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L’EXPÉDITION DE ROME.

Rome, un intérêt sérieux, pressant, sur lequel nous serons tous d’accord, et cet intérêt, le voici : c’est de nous en aller le plus tôt possible. (Dénégations à droite.)

Nous avons un intérêt immense à ce que Rome ne devienne pas pour la France une espèce d’Algérie (Mouvement. — À droite : Bah !), avec tous les inconvénients de l’Algérie sans la compensation d’être une conquête et un empire à nous ; une espèce d’Algérie, dis-je, où nous enverrions indéfiniment nos soldats et nos millions, nos soldats, que nos frontières réclament, nos millions, dont nos misères ont besoin (Bravo ! à gauche. — Murmures à droite), et où nous serions forcés de bivouaquer, jusques à quand ? Dieu le sait ! toujours en éveil, toujours en alerte, et à demi paralysés au milieu des complications européennes. Notre intérêt, je le répète, sitôt que l’Autriche aura quitté Bologne, est de nous en aller de Rome le plus tôt possible. (C’est vrai ! c’est vrai ! à gauche. — Dénégations à droite.)

Eh bien ! pour pouvoir évacuer Rome, quelle est la première condition ? C’est d’être sûrs que nous n’y laissons pas une révolution derrière nous. Qu’y a-t-il donc à faire pour ne pas laisser la révolution derrière nous ? C’est de la terminer pendant que nous y sommes. Or comment termine-t-on une révolution ? Je vous l’ai déjà dit une fois et je vous le répète, c’est en l’acceptant dans ce qu’elle a de vrai, en la satisfaisant dans ce qu’elle a de juste. (Mouvement.)

Notre gouvernement l’a pensé, et je l’en loue, et c’est dans ce sens qu’il a pesé sur le gouvernement du pape. De là la lettre du président. Le saint-siége pense le contraire ; il veut, lui aussi, terminer la révolution, mais par un autre moyen, par la compression, et il a donné le Motu proprio. Or qu’est-il arrivé ? Le Motu proprio et l’amnistie, ces calmants si efficaces, ont soulevé l’indignation du peuple romain ; à l’heure qu’il est, une agitation profonde trouble Rome, et, M. le ministre des affaires étrangères ne me démentira pas, demain, si nous quittions Rome, sitôt la porte refermée derrière le dernier de nos soldats, savez-vous ce qui arriverait ? Une révolution éclaterait, plus terrible que la première, et tout serait à recommencer. (Oui ! oui ! à gauche. — Non ! non ! à droite.)