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AVANT L’EXIL. — ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE

Certes, je ne veux pas que nous essayions la première de ces chimères ; mais n’y a-t-il pas moyen d’empêcher le pape de tenter la seconde ?

Quoi ! messieurs, le pape livre Rome au bras séculier ! L’homme qui dispose de l’amour et de la foi a recours à la force brutale, comme s’il n’était qu’un malheureux prince temporel ! Lui, l’homme de lumière, il veut replonger son peuple dans la nuit ! Ne pouvez-vous l’avertir ? On pousse le pape dans une voie fatale ; on le conseille aveuglément pour le mal ; ne pouvons-nous le conseiller énergiquement pour le bien ? (C’est vrai !)

Il y a des occasions, et celle-ci en est une, où un grand gouvernement doit parler haut. Sérieusement, est-ce là contraindre le pape ? est-ce là le violenter ? (Non ! non ! à gauche. — Si ! si ! à droite.)

Mais vous-mêmes, vous qui nous faites l’objection, vous n’êtes contents qu’à demi, après tout ; le rapport de la commission en convient, il vous reste beaucoup de choses à demander au saint-père. Les plus satisfaits d’entre vous veulent une amnistie. S’il refuse, comment vous y prendrez-vous ? Exigerez-vous cette amnistie ? l’imposerez-vous, oui ou non ? (Sensation.)

Une voix à droite. — Non ! (Mouvement.)

M. Victor Hugo. — Non ? Alors vous laisserez les gibets se dresser dans Rome, vous présents, à l’ombre du drapeau tricolore ? (Frémissement sur tous les bancs. — À la droite.) Eh bien ! je le dis à votre honneur, vous ne le ferez pas ! Cette parole imprudente, je ne l’accepte pas ; elle n’est pas sortie de vos cœurs. (Violent tumulte à droite.)

La même voix. — Le pape fera ce qu’il voudra, nous ne le contraindrons pas !

M. Victor Hugo. — Eh bien ! alors, nous le contraindrons, nous ! Et s’il refuse l’amnistie, nous la lui imposerons. (Longs applaudissements à gauche.)

Permettez-moi, messieurs, de terminer par une considération qui vous touchera, je l’espère, car elle est puisée uniquement dans l’intérêt français. Indépendamment du soin de notre honneur, indépendamment du bien que nous voulons faire, selon le parti où nous inclinons, soit au peuple romain, soit à la papauté, nous avons un intérêt à