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AVANT L’EXIL. — COUR D’ASSISES.

la république, pour défendre tout ce que nous voulons, tout ce que nous aimons, le peuple, la France, l’humanité, la pensée chrétienne, la civilisation universelle, vous donnez tout, vous livrez tout, vous exposez tout, votre talent, votre jeunesse, votre fortune, votre personne, votre liberté. C’est bien. Je vous crie : courage ! et le peuple vous criera : bravo !

Il y avait quatre ans tout à l’heure que vous aviez fondé l’Événement, vous, Paul Meurice, notre cher et généreux Paul Meurice, mes deux fils, deux ou trois jeunes et fermes auxiliaires. Dans nos temps de trouble, d’irritation et de malentendus, vous n’aviez qu’une pensée : calmer, consoler, expliquer, éclairer, réconcilier. Vous tendiez une main aux riches, une main aux pauvres, le cœur un peu plus près de ceux-ci. C’était là la mission sainte que vous aviez rêvée. Une réaction implacable n’a rien voulu entendre, elle a rejeté la réconciliation et voulu le combat ; vous avez combattu. Vous avez combattu à regret, mais résolument. — L’Événement ne s’est pas épargné, amis et ennemis lui rendent cette justice, mais il a combattu sans se dénaturer. Aucun journal n’a été plus ardent dans la lutte, aucun n’est resté plus calme par le fond des idées. L’Événement, de médiateur devenu combattant, a continué de vouloir ce qu’il voulait : la fraternité civique et humaine, la paix universelle, l’inviolabilité du droit, l’inviolabilité de la vie, l’instruction gratuite, l’adoucissement des mœurs et l’agrandissement des intelligences par l’éducation libérale et l’enseignement libre, la destruction de la misère, le bien-être du peuple, la fin des révolutions, la démocratie reine, le progrès par le progrès. L’Événement a demandé de toutes parts et à tous les partis politiques comme à tous les systèmes sociaux l’amnistie, le pardon, la clémence. Il est resté fidèle à toutes les pages de l’évangile. Il a eu deux grandes condamnations, la première pour avoir attaqué l’échafaud, la seconde pour avoir défendu le droit d’asile. Il semblait aux écrivains de l’Événement que ce droit d’asile, que le chrétien autrefois réclamait pour l’église, ils avaient le devoir, eux, français, de le réclamer pour la France. La terre de France est sacrée comme le pavé d’un temple. Ils ont pensé cela et ils l’ont