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POUR CHARLES HUGO.

qu’accablent encore l’ignorance et la misère, est odieuse à la démocratie, mais qui n’est pas moins repoussée par les conservateurs intelligents ; une loi dont le roi Louis-Philippe, que je ne nommerai jamais qu’avec le respect dû à la vieillesse, au malheur et à un tombeau dans l’exil, une loi dont le roi Louis-Philippe disait : Je l’ai détestée toute ma vie ; une loi contre laquelle M. de Broglie a écrit ; contre laquelle M. Guizot a écrit ; une loi dont la chambre des députés réclamait par acclamation l’abrogation, il y a vingt ans, au mois d’octobre 1830, et qu’à la même époque le parlement demi-sauvage d’Otahiti rayait de ses codes ; une loi que l’assemblée de Francfort abolissait il y a trois ans, et que l’assemblée constituante de la république romaine, il y a deux ans, presque à pareil jour, a déclarée abolie à jamais sur la proposition du député Charles Bonaparte ; une loi que notre constituante de 1848 n’a maintenue qu’avec la plus douloureuse indécision et la plus poignante répugnance ; une loi qui, à l’heure où je parle, est placée sous le coup de deux propositions d’abolition, déposées sur la tribune législative ; une loi enfin dont la Toscane ne veut plus, dont la Russie ne veut plus et dont il est temps que la France ne veuille plus. Cette loi devant laquelle la conscience humaine recule avec une anxiété chaque jour plus profonde, c’est la peine de mort.

Eh bien ! messieurs, c’est cette loi qui fait aujourd’hui ce procès ; c’est elle qui est notre adversaire. J’en suis fâché pour M. l’avocat général, mais je l’aperçois derrière lui ! (Long mouvement.)

Je l’avouerai, depuis une vingtaine d’années, je croyais, et moi qui parle j’en avais fait la remarque dans des pages que je pourrais vous lire, je croyais, — mon Dieu ! avec M. Léon Faucher, qui, en 1836, écrivait dans un recueil, la Revue de Paris, ceci (je cite) :

« L’échafaud n’apparaît plus sur nos places publiques qu’à de rares intervalles, et comme un spectacle que la justice a honte de donner. » (Mouvement.)

Je croyais, dis-je, que la guillotine, puisqu’il faut l’appeler par son nom, commençait à se rendre justice à elle-même, qu’elle se sentait réprouvée, et qu’elle en prenait