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LA RÉVISION DE LA CONSTITUTION.

entre vous et lui ? Contre qui et pour qui vous coalisez-vous ? Et puis, que signifie cette coalition ? Qu’est-ce que c’est que cette alliance ? Qu’est-ce que c’est que cette main de l’empire que je vois dans la main de la légitimité ? Légitimistes, l’empire a tué le duc d’Enghien ! Impérialistes, la légitimité a fusillé Murat ! (Vive impression.)

Vous vous touchez les mains ; prenez garde, vous mêlez des taches de sang ! (Sensation.)

Et puis qu’espérez-vous ? détruire la république ? Vous entreprenez là une besogne rude. Y avez-vous bien songé ? Quand un ouvrier a travaillé dix-huit heures, quand un peuple a travaillé dix-huit siècles, et qu’ils ont enfin l’un et l’autre reçu leur payement, allez donc essayer d’arracher à cet ouvrier son salaire et à ce peuple sa république !

Savez-vous ce qui fait la république forte ? savez-vous ce qui la fait invincible ? savez-vous ce qui la fait indestructible ? Je vous l’ai dit en commençant, et en terminant je vous le répète, c’est qu’elle est la somme du labeur des générations, c’est qu’elle est le produit accumulé des efforts antérieurs, c’est qu’elle est un résultat historique autant qu’un fait politique, c’est qu’elle fait pour ainsi dire partie du climat actuel de la civilisation, c’est qu’elle est la forme absolue, suprême, nécessaire, du temps où nous vivons, c’est qu’elle est l’air que nous respirons, et qu’une fois que les nations ont respiré cet air-là, prenez-en votre parti, elles ne peuvent plus en respirer d’autre ! Oui, savez-vous ce qui fait que la république est impérissable ? C’est qu’elle s’identifie d’un côté avec le siècle, et de l’autre avec le peuple ! elle est l’idée de l’un et la couronne de l’autre !

Messieurs les révisionnistes, je vous ai demandé ce que vous vouliez. Ce que je veux, moi, je vais vous le dire. Toute ma politique, la voici en deux mots. Il faut supprimer dans l’ordre social un certain degré de misère, et dans l’ordre politique une certaine nature d’ambition. Plus de paupérisme et plus de monarchisme. La France ne sera tranquille que lorsque, par la puissance des institutions qui donneront du travail et du pain aux uns et qui ôteront l’espérance aux autres, nous aurons vu disparaître du milieu de nous tous ceux qui tendent la main, depuis