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AVANT L’EXIL. — ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.

Un membre. — C’est à vous qu’il tarde de reprendre les vôtres….

D’autres membres. — Ce sont des provocations.

M. le président. — Je demande le silence des deux côtés.

M. ARNAUD (de l’Ariège.) — Ce sont des personnalités.

M. SAVATIER-LAROCHE. — Ce sont des provocations qu’on cherche à rendre injurieuses.

M. le président. — Voulez-vous faire silence et écouter l’orateur ? ( Le silence se rétablit.)

M. Victor Hugo. — Je remercie l’honorable M. de Falloux. Je ne cherchais pas l’occasion de parler de moi. Il me la donne à propos d’un fait qui m’honore. (À la droite.) Écoutez ce que j’ai à vous dire. Vous avez ri les premiers ; vous êtes loyaux, je le pense, et je vous prédis que vous ne rirez pas les derniers. (Sensation.)

Un membre à l’extrême droite. — Si !

M. Victor Hugo, à l’interrupteur. — En ce cas vous ne serez pas loyal. (Bravos à gauche. — Un profond silence s’établit.)

J’avais dix-neuf ans…

Un membre à droite. — Ah ! bon, j’étais si jeune ! (Longs murmures à gauche. — Cris : C’est indécent ! )

M. Victor Hugo, se tournant vers l’interrupteur. — L’homme capable d’une si inqualifiable interruption doit avoir le courage de se nommer. Je le somme de se nommer. (Applaudissements à gauche. — Silence à droite. — Personne ne se nomme.)

Il se tait. Je le constate.

(Les applaudissements de la gauche redoublent. — Silence consterné à droite.)

M. Victor Hugo, reprenant. — J’avais dix-neuf ans ; je publiai un volume en vers. Louis XVIII, qui était un roi lettré, vous le savez, le lut et m’envoya une pension de deux mille francs. Cet acte fut spontané de la part du roi, je le dis à son honneur et au mien ; je reçus cette pension sans l’avoir demandée. La lettre que vous avez dans les mains, monsieur de Falloux, le prouve. (M. de Falloux fait un signe d’assentiment. — Mouvement à droite.)

M. De larochejaquelein. — C’est très bien, monsieur Victor Hugo !