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LA LIBERTÉ DE LA PRESSE.

M. Victor Hugo, s’adressant à la droite. — Exigez-vous, oui ou non, que je reste sous le coup d’une inculpation de M. de Montalembert ?

À droite. — Il n’a rien dit !

M. Victor Hugo. — Je répète pour la troisième, pour la quatrième fois que je ne veux pas accepter cette situation que M. de Montalembert veut me faire. Si vous voulez m’empêcher, de force, de répondre, il le faudra bien, je subirai la violence et je descendrai de cette tribune ; mais autrement, vous devez me laisser m’expliquer, et ce n’est pas une minute de plus ou de moins qui importe.

Eh bien ! j’ai dit à M. de Montalembert que ce n’était pas à lui que je m’adressais, mais à son parti. Et quant à ce parti…. (Nouvelle interruption à droite.) Vous tairez-vous ?

(Le silence se rétablit. L’orateur reprend :)

Et quant au parti jésuite, puisque je suis provoqué à m’expliquer sur son compte (bruit à droite) ; quant à ce parti qui, à l’insu même de la réaction, est aujourd’hui l’âme de la réaction ; à ce parti aux yeux duquel la pensée est une contravention, la lecture un délit, l’écriture un crime, l’imprimerie un attentat (bruit) ! quant à ce parti qui ne comprend rien à ce siècle, dont il n’est pas ; qui appelle aujourd’hui la fiscalité sur notre presse, la censure sur nos théâtres, l’anathème sur nos livres, la réprobation sur nos idées, la répression sur nos progrès, et qui, en d’autres temps, eût appelé la proscription sur nos têtes (C’est cela ! bravo !), à ce parti d’absolutisme, d’immobilité, d’imbécillité, de silence, de ténèbres, d’abrutissement monacal ; à ce parti qui rêve pour la France, non l’avenir de la France, mais, le passé de l’Espagne ; il a beau rappeler complaisamment ses titres historiques à l’exécration des hommes ; il a beau remettre à neuf ses vieilles doctrines rouillées de sang humain ; il a beau être parfaitement capable de tous les guet-apens sur tout ce qui est la justice et le droit ; il a beau être le parti qui a toujours fait les besognes souterraines et qui a toujours accepté dans tous les temps et sur tous les échafauds la fonction de bourreau masqué ; il a beau se glisser traîtreusement dans notre gouvernement, dans notre diplomatie, dans nos écoles, dans notre urne électorale, dans nos lois, dans toutes nos