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LA LIBERTÉ DE LA PRESSE.

qui accueille l’intelligence comme un auxiliaire et non comme une ennemie, qui aide la vérité à sortir de la mêlée des systèmes, qui fait servir toutes les libertés à féconder toutes les forces, qui aborde de bonne foi le problème de l’éducation pour l’enfant et du travail pour l’homme ! Le vrai gouvernement est celui auquel la lumière qui s’accroît ne fait pas mal, et auquel le peuple qui grandit ne fait pas peur ! (Acclamation à gauche.)

Le vrai gouvernement est celui qui met loyalement à l’ordre du jour, pour les approfondir et pour les résoudre sympathiquement, toutes ces questions si pressantes et si graves de crédit, de salaire, de chômage, de circulation, de production et de consommation, de colonisation, de désarmement, de malaise et de bien-être, de richesse et de misère, toutes les promesses de la constitution, la grande question du peuple, en un mot !

Le vrai gouvernement est celui qui organise, et non celui qui comprime ! celui qui se met à la tête de toutes les idées, et non celui qui se met à la suite de toutes les rancunes ! Le vrai gouvernement de la France au dix-neuvième siècle, non, ce n’est pas, ce ne sera jamais celui qui va en arrière ! (Sensation.)

Messieurs, en des temps comme ceux-ci, prenez garde aux pas en arrière !

On vous parle beaucoup de l’abîme, de l’abîme qui est là, béant, ouvert, terrible, de l’abîme où la société peut tomber.

Messieurs, il y a un abîme, en effet ; seulement il n’est pas devant vous, il est derrière vous.

Vous n’y marchez pas, vous y reculez. (Applaudissements à gauche.)

L’avenir où une réaction insensée nous conduit est assez prochain et assez visible pour qu’on puisse en indiquer dès à présent les redoutables linéaments. Écoutez ! il est temps encore de s’arrêter. En 1829, on pouvait éviter 1830. En 1847, on pouvait éviter 1848. Il suffisait d’écouter ceux qui disaient aux deux monarchies entraînées : Voilà le gouffre !

Messieurs, j’ai le droit de parler ainsi. Dans mon obscurité, j’ai été de ceux qui ont fait ce qu’ils ont pu, j’ai été