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AVANT L’EXIL. — ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE

témoin l’honnêteté des consciences qui m’écoutent, ce ne sera jamais là une loi de mon pays ! C’est trop, c’est décidément trop de choses mauvaises et trop de choses funestes ! Non ! non ! cette robe de jésuite jetée sur tant d’iniquités, vous ne nous la ferez pas prendre pour la robe de la loi ! (Bravos.)

Voulez-vous que je vous dise ce que c’est que cela, messieurs ? c’est une protestation de notre gouvernement contre nous-mêmes, protestation qui est dans le cœur de la loi, et que vous avez entendue hier sortir du cœur du ministre ! (Sensation.) Une protestation du ministère et de ses conseillers contre l’esprit de notre siècle et l’instinct de notre pays ; c’est-à-dire une protestation du fait contre l’idée, de ce qui n’est que la matière du gouvernement contre ce qui en est la vie, de ce qui n’est que le pouvoir contre ce qui est la puissance, de ce qui doit passer contre ce qui doit rester ; une protestation de quelques hommes chétifs, qui n’ont pas même à eux la minute qui s’écoule, contre la grande nation et contre l’immense avenir ! (Applaudissements.)

Encore si cette protestation n’était que puérile, mais c’est qu’elle est fatale ! Vous ne vous y associerez pas, messieurs, vous en comprendrez le danger, vous rejetterez cette loi !

Je veux l’espérer, quant à moi. Les clairvoyants de la majorité, — et, le jour où ils voudront se compter sérieusement, ils s’apercevront qu’ils sont les plus nombreux, — les clairvoyants de la majorité finiront par l’emporter sur les aveugles, ils retiendront à temps un pouvoir qui se perd ; et, tôt ou tard, de cette grande assemblée, destinée à se retrouver un jour face à face avec la nation, on verra sortir le vrai gouvernement du pays.

Le vrai gouvernement du pays, ce n’est pas celui qui nous propose de telles lois. (Non ! non ! — À droite : Si ! si !)

Messieurs, dans un siècle comme le nôtre, pour une nation comme la France, après trois révolutions qui ont fait surgir une foule de questions capitales de civilisation dans un ordre inattendu, le vrai gouvernement, le bon gouvernement est celui qui accepte toutes les conditions du développement social, qui observe, étudie, explore, expéri-