Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Théâtre, tome VI.djvu/336

Cette page n’a pas encore été corrigée

314 MILLE FRANCS DE RÉCOMPENSE.

faute commise, ni par monsieur le baron, ni par moi, mais elle est commise, il faut la racheter. Qui sait si, sans m’en douter, je ne suis pas pour quelque chose dans le malentendu qui a déterminé l’huissier à cette exéciition. ? Une plaie est faite, il faut la guérir. En outre, la misère est là. Monsieur le baron, je ne suis pas marié, j’ai quarante mille francs de revenu, j’ai demandé au pauvre musicien Zucchimo sa fille en mariage. Je vais l’épouser. C’est là ma réparation. LE BARON DE PUENCARRAL.

Vous avez fait cela, Rousseline ! Donnez-moi vos mains que je les presse dans les miennes. Rousseline, vous êtes mon ami ! Rousseline, vous valez mieux que moi.

ROUSSELINE, s’inclinant.

Monsieur le baron ! . . .

LE BARON DE PUENCARRAL.

Les fautes que vous n’avez point faites, vous les réparez j moi, les fautes que j’ai faites, je ne les répare pas.

ROUSSELINE.

Monsieur le baron !

LE BARON DE PUENCARRAL, montrant à Rousseline son chapeau. Regardez ce crêpe.

ROUSSELINE

Je l’ai toujours vu au chapeau de monsieur le baron. LE BARON DE PUENCARRAL.

Et VOUS l’y verrez toujours. A moins que Dieu... — Ce crêpe, je le porte depuis bien des années. Ce crêpe, c’est le deuil d’une faute. Une faute non réparée, c’est un spectre dans notre âme. — Rousseline, vous êtes un vrai grand cœur. Ah ! vous épousez cette pauvre fille ! Vous méritez la confiance sans bornes. Vous riche, vous épousez cette indigence ! Vous, notable de Paris, vous donnez une patrie à cette famille étrangère, exilée peut-être ! Oui, vous valez mieux que moi. Oui, vous êtes devant mes yeux comme un reproche, vous êtes mon remords, qui m’apparaît. Merci. Ce que vous faites aujourd’hui, sans que ce soit votre devoir, moi dont c’était le devoir, que ne l’ai-je fait il y a vingt ans ! Ecoutez-moi. Vous êtes le seul à qui j’aurai jamais dit ce que vous allez entendre. Rousseline, j’ai un passé. Un passé charmant et sombre. La prospérité, la réussite, les mil-