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252 MILLE FRANCS DE RÉCOMPENSE.

si joyeux ! comme c’est triste que tout le monde ne puisse pas être heureux à la fois !

CYPRIENNE.

Mon Edgar, maintenant il faut vous en aller. EDGAR MARC.

Vous me chassez !

CYPRIENNE.

Dieu ! si ma mère rentrait ! si mon grand-père se réveillait ! Edgar, mon grand-père est là, dans cette alcôve, couché, malade. Il dort. Il ne vous connaît pas, il ne vous a jamais vu, il ne sait pas qu’un jeune homme vient ici, s’il ouvrait les yeux, s’il vous voyait ! je vous en conjure, je vous remercie, c’est bien d’être venu, j’ai peur, allez-vous-en. Mon Dieu, si mon grand-père. . .

EDGAR MARC.

Votre grand-père ! nous le rendrons heureux. Vous n’aurez pas à regretter de m’avoir confié son secret. Ah ! cet homme vaillant, ce pauvre proscrit ! ... CYPRIENNE.

Edgar, silence là-dessus ! je n’aurais pas dû vous le dire ! EDGAR MARC.

Ne craignez rien. Un secret que je garde est bien gardé. Jusqu’au jour où vous serez ma femme, jusqu’au jour où nous pourrons tous lever la tête, pas un mot de moi ne trahira que je vous vois, que je vous connais, que je viens chez vous. La moindre indiscrétion sur le professeur Zucchimo pourrait, je le sais, compromettre, perdre peut-être, le major Gédouard. Nous vivons en des temps de réaction. De meilleurs jours viendront. Cyprienne, je subirais mille tortures plutôt que de faire la lumière sur ce qui doit rester dans l’ombre ! soyez tranquille. CYPRIENNE.

Je le sais. J’ai foi en vous. Oh ! je vous en conjure, allez-vous-en. Elle lui presse l’épaule et lui montre la porte avec un sourire triste et suppliant. EDGAR MARC.

Eh bien oui, je m’en vais. Vous avez raison. D’ailleurs j’ai ce paiement à faire. C’est égal, dans six mois nous serons mariés. Oh ! mon cœur de-