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ACTE PREMIER, SCENE IV. 239

âTIENNETTE.

La vente va se faire ?

Tout à l’heure.

ROUSSELINE.

ÉTIENNETTE.

Mais alors nous sommes dans un gouffre ! ROUSSELINE.

Vous trouvez ?

ÉTIENNETTE.

Mon pauvre père ! Quel réveil ! Qu’est-ce qu’il va dire ! Malade comme il l’est. Cela lui donnera le coup de la mort. Ainsi la vente se fera ! ROUSSELINE.

A moins que. . .

ÉTIENNETTE.

A moins que ?

ROUSSELINE.

Ecoutez.

Il jette un coup d’œil autour de lui. Sur un signe de sa mère , Cyprienne entre dans l’alcôve et disparaît derrière les rideaux refermés. Rousseline tire sa tabatière d’or de sa poche, et s’assied : ROUSSELINE, le pouce et l’index dans sa tabatière entr’ouverte. C’est une belle chose que l’enthousiasme. Il y a trente-cinq ans, — deux ans environ après votre naissance, madame, — un grand événement éclate, la révolution française. L’ennemi est aux frontières, la France crie : aux armes ! C’est à qui s’enrôlera, une armée de volontaires s’improvise. Un homme, jeune, riche, bien né, de bonne bourgeoisie, lettré, un peu peintre, un peu musicien, marié, ayant un enfant, saisit cette occasion d’être un héros. Il part. Sa femme qu’il aimait, son enfant qu’il idolâtrait, une petite fille âgée de deux ans, cela ne l’arrête point. Ne doit-on pas sacrifier la famille à la patrie ? Le voilà aux armées. Il se bat} il bat les prussiens, les autrichiens, les russes j il est soldat, puis officier j en quelques mois, il est major. Un beau jour, il est fait, général ? non, prisonnier. Par Souvaroff. En Italie. Pour les prisonniers de guerre, les anglais ont les pontons, les russes ont les mines. Le major républicain prisonnier est envoyé en Sibérie. Il y reste dix-neuf ans. Jusqu’à la paix. La paix faite avec l’Eu-