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224 MILLE FRANCS DE RECOMPENSE.

ÉTIENNETTE, lui saisissant le bras. 11 ne m’a pas épousée !

CYPRIENNE.

Ciel !

ÉTIENNETTE.

Ah ! malheureuse enfant ! tu viens de m’arracher un secret terrible. Je connais la route où tu entres, tiens, regarde à tes pieds, cette route sombre se prolonge devant toi dans les ténèbres, regarde, tu y vois l’empreinte d’un pas, c’est le mien. Je m’y suis perdue. Oui, c’est un secret poignant. Personne ne le sait. Mon père lui-même ne s’en doute pas. On m’appelle madame André. Jamais je n’ai été mariée. On me croit veuve, je suis fille. Nous étions dans une petite ville de province, en Bretagne, à Chatelaudren, près de Guingamp. Mon père était absent, ma mère a été faible. J’ai fait une rencontre, comme toi. On croit à l’avenir. On dispose de l’éternité. Ces amours-là, l’oubli souffle dessus. Il était pauvre et obscur. Il a été pris par la conscription. Il est parti. Il n’est pas revenu. A-t-il été tué ? peut-être. Est-il vivant . peut-être. Depuis ma mère est morte. Nous avons quitté la petite ville. D’autres circonstances encore. Nous sommes venus à Paris. Ah ! c’est une sombre histoire, et dont tu portes le poids. Où est-il, ton père.’^ L’épaisse obscurité s’est faite. Je l’ai cherché. Peut-être me cherche-t-il de son côté. Je ne sais plus rien. J’attends. Je suis dans l’isolement et dans la nuit. Ma fille, c’est une descente funèbre. Arrête, ne va pas plus loin.

Ma mère, je l’aime.

Moi aussi, je l’aimais !

Il m’aime.

Lui aussi, il m’aimait !

Il est honnête.

Lui aussi , il était sincère !

CYPRffiNNE.

ETIENNETTE.

CYPRIENNE.

ETIENNETTE.

CYPRIENNE.

ÉTIENNETTE.

CYPRIENNE.

Il est trop pauvre encore pour que le mariage soit possible.