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MANGERONT-ILS ?

Je sens qu’un fil me lie à la sombre nature.

Se penchant sur Zineb morte.

C’était la prophétesse, et c’est la pourriture.
Ce que c’est que la mort ! Diable, ne mourons point.
Mais quel est donc cet homme à qui le sort me joint ?
J’ai peur. Après tout, vivre est notre vraie envie.
Vivre d’abord. S’il est question de la vie,
Tout est simplifié.

Tout est simplifié. À Mess Tityrus.

Tout est simplifié. Vois-tu, je m’aperçoi
Que ce qu’on aime, au fond, toujours, c’est d’abord soi.
On se croit amoureux, mon cher, on n’est que bête.
Voilà de la clarté subite ! Oui-da, ma tête,
Primo ; tout, femme, amour, recule au second plan.
Pourtant, ces étourneaux dont je suis le milan,
Et sur qui j’ai les yeux fixés, il faut qu’ils meurent.

Il reste un moment absorbé, regardant Zineb.

Les sinistres frissons du sépulcre m’effleurent !
Viennent-ils — oh ! j’ai froid comme si j’étais nu —
De cette femme morte, ou de l’homme inconnu ?

Montrant Zineb.

Emportez donc cela !

Mess Tityrus fait un signe au dehors. Entrent les deux valets.
Ils prennent le cadavre, l’un par les pieds, l’autre par la tête, et l’emportent.
Rêveur.

Emportez donc cela ! Le premier homme…

Mess Tityrus, qui a accompagné jusqu’à la sortie les valets portant la morte, revient le long du parapet, et tout à coup s’arrête.
MESS TITYRUS, regardant par-dessus le mur d’enceinte, du côté de la forêt.

Emportez donc cela ! Le premier homme… Oh ! diantre !

LE ROI.

Quoi ?

MESS TITYRUS.

Quoi ? Là, dans le ravin, milord…

Le roi court au parapet, et regarde dans la même direction que Mess Tityrus.
LE ROI.

Quoi ? Là, dans le ravin, milord… Un cortège entre…