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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.

Déconcerter les sens et chagriner la chair,
C’est la vertu.

C’est la vertu. La regardant avec un redoublement d’extase.

C’est la vertu. J’en suis incandescent. — Que n’ai-je
Le droit d’offrir un kiss à ce biceps de neige !
Cupidons frissonnants que je refoule en moi,
Baisers dont je voudrais souvent trouver l’emploi,
Ce serait le moment de prendre la volée
Et de tourbillonner sur elle, ô troupe ailée !
Abeilles de mon cœur, comme vous bourdonnez !
Devant ces doux appas d’aurore illuminés,
Vous cherchez à sortir de votre ruche obscure.
Je sens confusément votre errante piqûre.

Indigné.

À la niche, appétits brutaux ! tout beau ! paix-là !
En pareil cas, Bayard rougit, Joseph fila,
Scipion s’esquiva, ce grand consul de Rome.
En refusant la femme on prouve qu’on est homme.

Rêveur.

— Hun ? —

— Hun ? — De plus en plus rêveur.

— Hun ? — Est-ce bien cela qu’on prouve ? M’est avis
Qu’on prouve qu’on est neutre, et rien de plus. Je vis,
Donc toute la nature, y compris vous, mesdames,
Est à moi. — Non. — Oui. — Bah ! — Pstt ! — Éteignez-vous, flammes !

Il se redresse avec un geste pudique et négatif et se retourne vers le parapet.
Risquons-nous de nouveau dans ce bois. J’ai promis

De faire déjeuner ces anges endormis.
Quand je n’apporterais qu’un fruit, une châtaigne,
Un oignon ! Les oignons n’ont rien que je dédaigne.
L’oignon d’Egypte était le bon Dieu dans son temps.

Examinant la forêt.

Ce bois de plus en plus est plein d’archers guettants.
La police aux forêts donne de la vermine.
Au dehors la potence, au dedans la famine.
Tel est le choix.

Tel est le choix. Il enjambe à demi le mur et se gratte l’oreille.

Tel est le choix. Je puis être pendu ce soir…

Il ôte son chapeau et regarde la plume de héron.

Ô plume, je t’invite à faire ton devoir.
Sauve-moi. Mais elle a cent ans. Ces choses s’usent.
Au bout d’un certain temps les talismans refusent