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THÉÂTRE EN LIBERTÉ.
LORD SLADA.

L’homme est fait de malheur, la femme de pitié.
C’est pour cela, Janet, que vous m’aimez. Mon rêve
Commence dans le ciel et dans vos bras s’achève,
Je monte quand je viens de l’empyrée à vous,
Et je ne suis jamais si haut qu’à vos genoux.

LADY JANET, l’entourant de ses bras..

Se tenir embrassés dans l’azur, quel beau songe !

LORD SLADA.

Janet !

LADY JANET.

Janet ! Milord !

LORD SLADA.

Janet ! Milord ! L’extase en clarté se prolonge.
Au-dessus de nos fronts, là-haut, n’entends-tu pas
Sur nos têtes des voix, des haleines, des pas,
Et n’aperçois-tu pas une lueur sacrée ?
Cette forêt ébauche au loin la vague entrée
Du divin paradis plein d’âmes, et de feux
Qui sont des cœurs mêlés aux profonds gouffres bleus !
Viens, aspirons l’oubli sous ces branches dormantes.
Ces nids sont des hymens, ces fleurs sont des amantes.
Notre âme communique avec tous les frissons
Des choses à travers lesquelles nous passons.
Les prodiges charmants du rêve nous caressent.
Viens ! aimons-nous. Le rire et les pleurs apparaissent
En perles dans ta bouche, en perles dans tes yeux.
Tu t’es transfigurée en un rayon joyeux.
Je crois te voir fouler de vagues asphodèles.
Où donc prends-tu cela que nous n’avons point d’ailes ?
Je sens les miennes, moi. Je suis prêt. Si tu veux
Dénouer dans l’aurore immense tes cheveux,
Si tu veux t’envoler, je suis prêt à te suivre,
Je te verrai planer, je me sentirai vivre,
Pendant que tu feras derrière toi pleuvoir
Des étoiles dans l’ombre auguste du ciel noir !
Si tu savais, je t’aime ! Ô Janet, mes paroles,
Je les prends aux parfums, je les prends aux corolles,