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ttons, père,

A vous, au saint-office, à votre saint clergé,

D'allumer le bûcher sur l'heure .

Torquemada


Est-ce que j'ai Attendu?

Il descend les trois marches, va à la galerie du fond et tire violemment le rideau.

Regardez.

{{didascalie-La nuit commence à tomber. La galerie du fond, large claire-voie toute grande ouverte, laisse voir, dans le crépuscule. la place de la Tablada couverte de foule. Au centre de la place est le quemadero, colossale bâtisse toute hérissée de flammes, pleine de bûchers et de poteaux et de suppliciés en sanbenitos qu'on entrevoit dans la fumée. Des tonneaux de poix et de bitume allumés, accrochés au haut des poteaux, se vident flamboyants sur la tête des condamnés. Des femmes que la flamme a faites nues flambent adossées à des pieux de fer. On entend des cris. Aux quatre angles du quemadero, les quatre gigantesques statues, dites les quatre évangélistes, apparaissent toutes rouges dans la braise. Elles ont des trous et des crevasses par où l'on voit passer des têtes hurlantes et s'agiter des bras qui semblent des tisons vivants. Énorme aspect de supplice et d'incendie. Le roi et la reine regardent terrifiés. Gucho, sous la table, dresse le cou et tâche de voir. Torquemada en contemplation repait ses yeux du quemadero. }}

Torquemada


O fête, ô gloire, ô joie! La clémence terrible et superbe flamboie!

Délivrance à jamais! Damnés, soyez absous!

Le bûcher sur la terre éteint l'enfer dessous.

Sois béni, toi par qui l'âme au bonheur remonte,

Bûcher, gloire du feu dont l'enfer est la honte,

Issue aboutissant au radieux chemin,

Porte du paradis rouverte au genre humain,

Miséricorde ardente aux caresses sans nombre,

Mystérieux rachat des esclaves de l'ombre,

Autodafé! pardon, bonté, lumière, feu,

Vie! éblouissement de la face de Dieu!

Oh! quel départ splendide et que d'âmes sauvées!

Juifs, mécréants, pécheurs, ô mes chères couvées,

Un court tourment vous paie un bonheur infini;

L'homme n'est plus maudit, l'homme n'est plus banni.

Le salut s'ouvre au fond des cieux. L'amour s'éveille,

Et voici son triomphe, et voici sa merveille!

Quelle extase! entrer droit au ciel! ne pas languir!

Cris dans