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Un seul mot de pardon, vieillard ! mon cœur se fend !
Rien qu'un seul mot!

Job, se levant et jetant son voile.
Otbert ! mon Otbert ! mon enfant!

Otbert.
Sire Job!

Job, le prenant dans ses bras avec emportement.
Non, vers lui tout mon être s'élance !
C'est trop me torturer par cet affreux silence!
Je ne suis qu'un vieillard faible, en pleurs, terrassé,
Je ne peux pas mourir sans lavoir embrassé !
Viens sur mon cœur !
Il couvre le visage d'Otbert de larmes et de baisers.
Enfant, laisse, que je te voie.
Tu ne le croirais pas, quoique j'aie eu la joie
De te voir tous les jours depuis plus de six mois,
Je ne t'ai pas bien vu...
Il le regarde avec des yeux enivrés.
C'est la première fois !
—Un jeune homme à vingt ans, que c'est beau! — Que je baise
Ton front pur! Laisse-moi le contempler à l'aise!
— Tu parlais tout à l'heure, et moi, je me taisais. —
Tu ne sais pas toi-même à quel point tu disais
Des choses qui m'allaient remuer les entrailles.
Otbert, tu trouveras pendue à mes murailles
Ma grande épée à main ; je te la donne, enfant !
Mon casque, mon pennon, tant de fois triomphant,
Sont à toi. Je voudrais que tu pusses toi-même
Lire au fond de mon cœur pour voir combien je t'aime!
Je te bénis. — Mon Dieu! Donnez-lui tous vos biens,
De longs jours comme à moi, moins sombres que les miens !
Faites qu'il ait un sort calme, illustre et prospère;
Et que des fils nombreux, pieux comme leur père,
Soutiennent, pleins d'amour, ses pas fiers et tremblants,
Quand ses beaux cheveux noirs seront des cheveux blancs !

Otbert.
Monseigneur !

Job, lui imposant les mains.
Je bénis cet enfant, cieux et terre,
Dans tout ce qu'il a fait, dans tout ce qu'il doit faire !