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Barberousse!...
Etonnement et stupeur. Tous s'écartent et forment une sorte de grand cercle autour du-mendiant, qui dégage de ses haillons une croix attachée à son cou et l'élève de sa main droite, la gauche appuyée sur l'épée piquée en terre.

Le Mendiant.
Voici la croix de Charlemagne.
Tous les yeux se fixent sur la croix. Moment de silence.
II reprend.
Moi, Frédéric, seigneur du mont où je suis né,
Elu roi des Romains, empereur couronné,
Porte-glaive de Dieu, roi de Bourgogne et d'Arles,
J'ai violé la tombe où dormait le grand Charles;
J'en ai fait pénitence; et, le genou plié,
J'ai vingt ans au désert pleuré, gémi, prié.
Vivant de l'eau du ciel et de l'herbe des roches,
Fantôme dont le pâtre abhorrait les approches,
Le monde entier m'a cru descendu chez les morts.
Mais j'entends mon pays qui m'appelle; je sors
De l'ombre où je songeais, exilé volontaire.
Il est temps de lever ma tête hors de terre.
Me reconnaissez-vous ?

Magnus, s'approchant.
Ton bras, César romain !

Le Mendiant.
Le trèfle qu'un de vous m'imprima sur la main ?
Il présente son bras à Magnus.
Vois.

Magnus s'incline, examine attentivement le bras du mendiant, puis se redresse.

Magnus, aux assistants.
Je déclare ici, la vérité m'y pousse,
Que voici l'empereur Frédéric Barberousse.
La stupeur est au comble. Le cercle s'élargit. L'empereur, appuyé sur la grande épée, se tourne vers les assistants et promène sur eux des regards terribles.

L'empereur.
Vous m'entendiez jadis marcher dans ces vallons,
Lorsque l'éperon d'or sonnait à mes talons.