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Qu'avant d'être au tombeau mon cœur soit soulagé,
Que je ne meure pas avant d'être vengé !
Car, pour avoir enfin cette suprême joie,
Pour sortir de la tombe et ressaisir ma proie,
Pour pouvoir revenir sur terre après ma mort,
Jeunes gens, je ferais quelque exécrable effort!
Oui, que Dieu veuille ou non, le front haut, le cœur ferme,
Je veux, quelle que soit la porte qui m'enferme,
Porte du paradis ou porte de l'enfer,
La briser
Etendant les bras.
d'un seul coup de ce poignet de fer ! —
Il s'arrête, s'interrompt, et reste un moment silencieux.
Hélas ! que dis-je là, moi, vieillard solitaire !

Il tombe dans une profonde rêverie, et semble ne plus rien entendre autour de lui. Peu à peu la joie et la hardiesse renaissent parmi les convives. Les deux vieillards semblent deux Le vin circule ét les rires recommencent.

Hatto, bas au du duc Gerhard en lui montrant les vieillards avec un haussement d'épaules.
L'âge leur a troublé l'esprit.

Gorlois, bas au comte Lupus en lui montrant Hatto
Un jour mon père
Sera comme eux, et moi je serai comme lui.

Hatto, au duc.
Tous nos soldats leur sont dévoués. Quel ennui !
Cependant Gorlois et quelques pages se sont approchés de la fenêtre et regardent au dehors. Tout à coup Gorlois se retourne.

Gorlois, à Hatto.
Ha ! père, viens donc voir ce vieux à barbe blanche !

Le Comte Lupus, courant à la fenêtre.
Comme il monte à pas lents le sentier! son front penche.

Gorlois, s'approchant.
Est-il las !

Le Comte Lupus.
Le vent souffle aux trous de son manteau.

Gorlois.
On dirait qu'il demande abri dans le château.

Le Margrave Gilissa.