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nos ancêtres !
Restez, restez voilés! — Ce qu'il m'a fait, mes maîtres ?
— Ne parlais-tu pas, toi, petit comte de Mons? —
Descends les bords du Rhin, du lac jusqu'aux Sept-Monts,
Et compte les châteaux détruits sur les deux rives !
Ce qu'il m'a fait? — Nos sœurs et nos filles captives,
Gibets impériaux bâtis pour les vautours
Sur nos rochers avec les pierres de nos tours,
Assauts, guerre et carnage à tous tant que nous sommes,

Carcans d'esclave au cou des meilleurs gentilshommes, 

Voilà ce qu'il m'a fait ! — et ce qu'il vous a fait ! —
Trente ans, sous ce César, qui toujours triomphait,
L'incendie et l'exil, les fers, mille aventures,
Les juges, les cachots, les greffiers, les tortures,
Oui, nous avons souffert tout cela! nous avons,
Grand Dieu ! comme des Juifs, comme des Esclavons
Subi ce long affront, cette longue victoire,
Et nos fils dégradés n'en savent plus l'histoire! —
Tout pliait devant lui. — Quand Frédéric premier,
Masqué, mais couvert d'or du talon au cimier,
Surgissant au sommet d'une brèche enflammés,
Jetait son gantelet à toute notre armée,
Tout tremblait, tout fuyait, d'épouvante saisi.
Mon père seul un jour, —
Montrant l'autre vieillard.
mon père, que voici ! —
Lui barrant le chemin dans une cour étroite,
D'un trèfle au feu rougi lui flétrit la main droite ! —
0 souvenirs ! ô temps ! tout s'est évanoui !
L'éclair a disparu de notre œil ébloui.
Les-barons sont tombés ; les burgs jonchent la plaine.
De toute la forêt il ne reste qu'un chêne,
S'inclinant devant le vieillard.
Et ce chêne, c'est vous, mon père vénéré !
Se redressant.
— Barberousse ! — Malheur à ce nom abhorré ! —
Nos blasons sont cachés sous l'herbe et les épines.
Le Rhin déshonoré coule entre des ruines! —
Oh ! je nous vengerai! — ce sera ma grandeur ! —
Sans trêve, sans merci, sans pitié, sans pudeur,
Sur lui, s'il n'est pas mort, ou du moins sur sa race,
Rien ne m'empêchera de le frapper! — Dieu fasse