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Mon père eût été là. Moi, je reste chez nous.
Jadis on guerroyait, maintenant on s'amuse.
Jadis c'était la force, à présent c'est la ruse.
Le passant me maudit ; le passant dit : — Hatto
Et ses frères font rage en ce sombre château,
Palais mystérieux qu'assiègent les tempêtes.
Aux margraves, aux ducs, Hatto donne des fêtes,
Et fait servir, courbant leurs têtes sous ses pieds,
ar des princes captifs les princes conviés !
Eh bien ! c'est un beau sort ! On me craint, on m'envie.
Moi je ris ! — Mon donjon brave tout. — De la vie,
En attendant Satan, je fais un paradis ;
Comme un chasseur ses chiens, je lâche mes bandits ;
Et je vis très heureux. — Ma fiancée est belle,
N'est-ce pas? — A propos, ta comtesse Isabelle,
L'épouses-tu?

Le Duc Gerhard.
Non

Hatto.
Mais tu lui pris, l'an passé,
Sa ville, et lui promis d'épouser.

Le Duc Gerhard. Je ne sai... —
Riant.
Ah! oui, on me fit jurer sur l'Evangile!
— Bon ! je laisse la fille et je garde la ville.
Il rit.

Hatto, riant.
Mais que dit de cela la diète? —

Le Duc Gerhard, riant toujours.
Elle se tait.

Hatto.
Mais ton serment ?

Le Duc Gerhard.
Ah bah!


Depuis quelques instants la porte du donjon à droite s'est ouverte, et a laissé voir quelques degrés d'un escalier sombre sur lesquels ont apparu deux vieillards, l'un âgé d'un peu plus de soixante ans, cheveux gris, barbe grise ; l'autre, beaucoup plus vieux, presque tout à fait chauve, avec une longue barbe blanche ; tous deux ont la chemise de fer, jambières et brassières de mailles, la grande épée au côté, et, par-dessus leur habit de guerre, le plus vieux porte une simarre blanche doublée de drap d'or, et l'autre une grande peau de loup dont la gueule s'ajuste sur sa tête.