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JOSHUA.

Je ne suis, moi, qu’un misérable porte-clefs de prison et il n’aura jamais besoin de Joshua ; mais il a besoin de vous, Jane. Vous seule pouvez payer votre dette et la mienne.

JANE.

Et comment ? dites vite !

JOSHUA.

En l’aimant. — Vous avez été longtemps sa fille, Jane, vous allez devenir sa femme. Rendez-le heureux. Surtout, ne lui dites jamais que je vous ai confié le secret de ce qu’il a fait si généreusement pour vous. Il m’a défendu de vous en parler. Il veut que vous l’aimiez pour lui, et non pour les services qu’il a pu vous rendre. Il ne veut pas de reconnaissance, Jane, il veut de l’amour.

JANE.

Pauvre Gilbert !

JOSHUA.

Voilà ce qu’il a fait pour moi, voilà ce qu’il a fait pour vous, Jane. Aussi n’est-il pas vrai que nous devons l’aimer tous les deux, moi comme un frère, vous… — pas comme une sœur.

JANE.

Non. Comme une femme. Je vous comprends, Joshua.

JOSHUA.

Il a tant besoin d’être aimé de vous. Il vous aime tant. Vous êtes toute sa vie. Il n’y a que vous dans son cœur, savez-vous cela ?

JANE.

Et il n’y a que lui dans le mien, Joshua.

JOSHUA.

Le voici qui revient à nous, silence sur ce que je vous ai dit.

JANE, courant à Gilbert.

Mon Gilbert !

GILBERT.

Vous êtes bien jeune et bien belle, Jane, et vous seriez digne de l’amour d’un roi.

JANE.

Que faisiez-vous là tout seul dans votre coin, monsieur ? vous paraissez triste. À quoi pensiez-vous donc ?

GILBERT.

Je pensais, Jane, que je ne suis qu’un malheureux ouvrier ciseleur, que je ne gagne pas au delà de six shellings par semaine, et que je ne suis pas riche.