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NOTES DE L’ÉDITEUR.

Il était de mode, dans quelques salons distingués par leurs prétentions, de parler du style redondant et ampoulé de Victor Hugo, de son abus des antithèses. Jouvin et Assollant obéirent à la consigne. Fâcheuse inspiration ; car le style n’avait jamais été plus « sobre d’épithètes et d’ornements ».

Nous avons cherché une critique un peu solide, un peu approfondie parmi les écrivains hostiles, nous avons trouvé seulement après l’article plus politique que littéraire de la Revue des Deux Mondes, cette étonnante affirmation d’Alfred Assollant : « les personnages, vraies poupées de carton peint, n’ont aucune vie réelle ». Théodore de Banville, Jules Janin et Émile Blémont ont répondu avec un sens très pénétrant et une inflexible logique. Ce n’était pas, en effet, le roman-type, mais un roman hors des proportions ordinaires, sorte de légende dans un cadre historique. Véritable drame de l’âme, qui dépassait par sa portée sociale et philosophique toutes les créations antérieures de Victor Hugo.

De là une certaine surprise, quelques résistances sincères qui devaient disparaître avec le temps. L’œuvre mieux comprise se dressait alors dans sa beauté allégorique comme la superbe protestation du peuple contre les iniquités sociales, l’image de l’homme déformé symbolisant les mutilations du droit, de la raison, de l’intelligence, de la justice et de la vérité.

Le Gaulois.
Émile Zola.

… Je ne peux m’empêcher de jeter le premier un cri d’admiration. Jamais Victor Hugo n’a été plus puissant. Ce volume, qui ouvre l’œuvre, n’est rien et comprend tout. Pas d’action, à peine l’indication du drame rien que des tableaux, mais des tableaux d’un ampleur magistrale. Le roman débute comm une épopée familière et terrible.…

Après quelques citations Émile Zola reprend :

… Les éléments de ce volume sont d’une simplicité extrême, et j’espère avoir donné une idée des effets superbes que le poète a su tirer d’un bateleur voyageant avec un loup, d’une barque sombrant en mer, d’un enfant perdu dans les ténèbres ; et encore n’ai-je cité que des lambeaux. Il faut lire chaque page, suivre le grand souffle qui monte, dans les moindres épisodes, du réel à l’épopée. Tout mon désir a été de communiquer aux lecteurs le besoin de lire ce prologue et de connaître la suite du drame.

Plus tard je jugerai.

Émile Zola, dans un second article, raconte longuement tout le roman et il ajoute :

… Ainsi finit cette œuvre puissante et grandiose que j’ai analysée page par page.

Mon intention était après l’analyse de faire la synthèse, c’est-à-dire un article de critique générale. Aujourd’hui, je sens l’inutilité de ce travail. Mes lecteurs connaissent l’œuvre dans ses plus minces détails, ils l’aiment comme moi, ils la jugent comme moi bonne et grande.

Le National.
Théodore de Banville.

L’Homme qui Rit a obtenu un immense succès en Europe et dans le reste du monde. Immense mais non pas incontesté, et la raison en est toute naturelle. En aucun temps d’abord l’auteur de Ruy Blas et de la Légende des Siècles n’a donné une œuvre nouvelle sans qu’elle excitât autant de colères et de haines que d’enthousiasmes…

Est-il facile de dégager l’idée mère de l’Homme qui Rit ? Oui, sans doute, car cette idée si grande, qui n’est autre que l’idée stoïque et l’idée chrétienne, est de celles que le poète a mille fois affirmées et défendues…

… Voilà donc l’idée du livre. Le juste persécuté semble malheureux et ne l’est pas ; le méchant triomphant semble heureux et ne l’est pas…

… Le style de Hugo s’est transformé pour sa mission nouvelle ; il est devenu tout mus-