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NOTES DE L’ÉDITEUR.

leure, Victor Hugo écrit ces quelques lignes :

Le vrai titre de ce livre serait l’Aristocratie.

CeluiLe livre qui suivra pourra être intitulé : la Monarchie, et ces deux livres en précéderont et en amèneront un troisième qui sera intitulé : Quatrevingt-treize.

On remarquera que Victor Hugo a fait la préface définitive de l’Homme qui Rit avec cette dernière note et le dernier paragraphe un peu modifié de la précédente.

Son manuscrit était prêt à être expédié ; il fallait choisir le titre définitif ; Paul Meurice, d’accord avec Vacquerie, avait insisté pour que Victor Hugo adoptât le titre de l’Homme qui Rit et il avait reçu du poète la lettre suivante, du 15 novembre :

Je suis absolument de votre avis très justement unanime quant au titre Par ordre du Roi, l’Homme qui Rit vaut beaucoup mieux. En choisissant d’abord Par ordre du Roi, je voulais accentuer tout de suite la partie démocratique du livre. Cet effet est, je crois, maintenant produit, et je puis sans inconvénient, comme vous l’indiquez et comme je l’avais moi-même toujours cru meilleur, donner au livre le titre de l’Homme qui Rit et à la deuxième partie le litre : Par ordre du Roi.

Le 21 novembre, Victor Hugo envoyait à Lacroix par lettre chargée la première partie de son roman : la Mer et la Nuit, et, le 25, il terminait la revision commencée le lendemain de son retour à Guernesey.

Dès le mois de décembre, Lacroix annonçait dans les journaux l’apparition du livre sous l’appellation de « roman historique », et le poète lui répondit aussitôt :

Décembre 1868.
Mon cher éditeur[1],

Le roman historique est un très bon genre, puisque Walter Scott en a fait, et le drame historique peut être une très belle œuvre puisque Dumas s’y est illustré ; mais je n’ai jamais fait de drame historique ni de roman historique. Quand je peins l’histoire, jamais je ne fais faire aux personnages historiques que ce qu’ils ont fait ou pu faire, leur caractère étant donné, et je les mêle le moins possible à l’invention proprement dite. Ma manière est de peindre des choses vraies par des personnages d’invention.

Tous mes drames, et tous mes romans qui sont des drames, résultent de cette façon de voir, bonne ou mauvaise, mais propre à mon esprit.

Par ordre du Roi sera donc l’Angleterre vraie, peinte par des personnages inventés. Les figures historiques, Anne, par exemple, n’y seront vues que de profil. L’intérêt ne sera, comme dans Ruy Blas, les Misérables, etc., que sur des personnages résultant du milieu historique ou aristocratique d’alors, mais créés par l’auteur.

Le roman était livré à l’impression, et les deux amis les plus chers de Victor Hugo, Paul Meurice et Auguste Vacquerie, le lisaient en placards et faisaient les corrections. Ils ne connaissaient de l’œuvre que l’idée générale. Aussi attendaient-ils avec impatience les épreuves, et c’étaient pour chaque chapitre des cris d’admiration. On ne sentait pas la flatterie, mais l’élan du cœur, la conviction ardente, la joie de lire d’aussi belles pages, l’impatience fiévreuse de connaître la suite du drame.

Victor Hugo expédiait rapidement sa copie à Lacroix puisque, le 10 janvier 1869, le tome II était parvenu à destination ; mais on imprimait lentement, car à cette même date Paul Meurice et Vacquerie n’avaient pu lire encore en placards que les cent premières pages. C’était déjà un premier grief de l’auteur contre l’éditeur, mais c’était encore le moindre ; Lacroix était d’avis de publier le livre en trois livraisons : le tome I, puis les tomes II et III réunis et enfin le tome IV, avec des intervalles dans la publication. Paul Meurice avait, dès

  1. Correspondance