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L’HOMME QUI RIT

Ursus reconnut tous les visages de police qui, le matin, avaient emmené Gwynplaine.

Nul doute. C’étaient les mêmes. Ils reparaissaient.

Évidemment Gwynplaine aussi allait reparaître.

Ils l’avaient amené là ; ils le remmenaient.

C’était clair.

La prunelle d’Ursus redoubla de fixité. Mettrait-on Gwynplaine en liberté ?

La double file des gens de police s’écoulait de la voûte basse très lentement, et comme goutte à goutte. La cloche, qui ne s’interrompait point, semblait leur marquer le pas. En sortant de la prison, le cortège, montrant le dos à Ursus, tournait à droite dans le tronçon de la rue opposé à celui où il était posté.

Une deuxième torche brilla sous le guichet.

Ceci annonçait la fin du cortège.

Ursus allait voir ce qu’ils emmenaient. Le prisonnier. L’homme.

Ursus allait voir Gwynplaine.

Ce qu’ils emmenaient apparut.

C’était une bière.

Quatre hommes portaient une bière couverte d’un drap noir.

Derrière eux venait un homme ayant une pelle sur l’épaule.

Une troisième torche allumée, tenue par un personnage lisant dans un livre, qui devait être un chapelain, fermait le cortège.

La bière prit la file à la suite des gens de police qui avaient tourné à droite.

En même temps la tête du cortège s’arrêta.

Ursus entendit le grincement d’une clef.

Vis-à-vis la prison, dans le mur bas qui longeait l’autre côté de la rue, une deuxième ouverture de porte s’éclaira par une torche qui passa dessous.

Cette porte, sur laquelle on distinguait une tête de mort, était la porte du cimetière.

Le wapentake s’engagea dans cette ouverture, puis les hommes, puis la deuxième torche après la première ; le cortège y décrut comme le reptile rentrant ; la file entière des gens de police pénétra dans cette autre obscurité qui était au delà de cette porte, puis la bière, puis l’homme à la pelle, puis le chapelain avec sa torche et son livre, et la porte se referma.

Il n’y eut plus rien qu’une lueur au-dessus d’un mur.

On entendit un chuchotement, puis des coups sourds.

C’étaient sans doute le chapelain et le fossoyeur qui jetaient sur le cercueil, l’un, des versets de prière, l’autre, des pelletées de terre.

Le chuchotement cessa, les coups sourds cessèrent.