Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome VIII.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
341
GÉMISSEMENT.

Il y avait un certain élargissement du corridor.

Gwynplaine entendit tout près de lui un bruit dont le gong chinois pourrait seul donner une idée ; quelque chose comme un coup frappé sur le diaphragme de l’abîme.

C’était le wapentake qui venait de heurter de son bâton une lame de fer.

Cette lame était une porte.

Non une porte qui tourne, mais une porte qui se lève et s’abat. À peu près comme une herse.

Il y eut un froissement strident dans une rainure, et Gwynplaine eut subitement devant les yeux un morceau de jour carré.

C’était la lame qui venait de se hisser dans une fente de la voûte de la façon dont se lève le panneau d’une souricière.

Une ouverture s’était faite.

Ce jour n’était pas du jour ; c’était de la lueur. Mais pour la prunelle très dilatée de Gwynplaine, cette clarté pâle et brusque fut d’abord comme le choc d’un éclair.

Il fut quelque temps avant de rien voir. Discerner dans l’éblouissement est aussi difficile que dans la nuit.

Puis, par degrés, sa pupille se proportionna à la lumière comme elle s’était proportionnée à l’obscurité ; il finit par distinguer ; la clarté, qui lui avait d’abord paru trop vive, s’apaisa dans sa prunelle et se refit livide ; il hasarda son regard dans l’ouverture béante devant lui, et ce qu’il aperçut était effroyable.

À ses pieds, une vingtaine de marches, hautes, étroites, frustes, presque à pic, sans rampe à droite ni à gauche, sorte de crête de pierre pareille à un pan de mur biseauté en escalier, entraient et s’enfonçaient dans une cave très creuse. Elles allaient jusqu’en bas.

Cette cave était ronde, à voûte ogive en arc rampant, à cause du défaut de niveau des impostes, dislocation propre à tous les souterrains sur lesquels se sont tassés de très lourds édifices.

L’espèce de coupure tenant lieu de porte que la lame de fer venait de démasquer et à laquelle aboutissait l’escalier était entaillée dans la voûte, de sorte que de cette hauteur l’œil plongeait dans la cave comme dans un puits.

La cave était vaste, et, si c’était le fond d’un puits, c’était le fond d’un puits cyclopéen. L’idée qu’éveille l’ancien mot « cul de basse-fosse » ne pouvait s’appliquer à cette cave qu’à la condition de se figurer une fosse à lions ou à tigres.

La cave n’était pas dallée ni pavée. Elle avait pour sol la terre mouillée et froide des lieux profonds.

Au milieu de la cave, quatre colonnes basses et difformes soutenaient un