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qui était simple pour Pythagore, était composée l’an passé de vingt-cinq substances ; cette année (1864) l’analyse en a ajouté deux, le bore et l’aluminium ; ce qui fait vingt-sept.

Les phénomènes s’entrecroisent. N’en voir qu’un, c’est ne rien voir. La richesse des fléaux est inépuisable. Ils ont la même loi d’accroissement que toutes les autres richesses, la circulation. L’un entre dans l’autre. La pénétration dû phénomène dans le phénomène engendre le prodige.

Le prodige, c’est le phénomène à l’état de chef-d’œuvre. Le chef-d’œuvre est parfois une catastrophe. Mais dans l’engrenage de la création, prodigieuse décomposition immédiatement recomposée, rien n’est sans but.

Accouplement est le premier terme, enfantement est le second. L’ordre universel est un hyménée magnifique. Point de fécondation par le désordre. Le chaos est un célibat. Nous assistons sans cesse au mariage de nos_ premiers parents. Adam et Eve sont éternels. Adam, c’est le globe, Eve, c’est la mer.


III

Quand la mer veut, elle est gaie. Aucune joie n’a l’apparence radieuse de la mer. L’océan est un épanouissement. Rien ne lui fait ombre, que le nuage, et cette ombre, d’un souffle il la chasse. Â ne voir que la surface, l’océan c’est la liberté ; c’est aussi l’égalité. Sur ce niveau tous les rayonnements sont à l’aise. L’hilarité grandiose du ciel clair s’y étale. La mer tranquille, c’est une fête. Pas d’appel de sirène qui soit plus doux et plus charmant. Pas de marin qui ne soit tenté de partir. Rien n’égale cette sérénité, et toute l’immensité n’est qu’une caresse, et le flot soupire, et le récif chante, et l’algue baise le rocher, et les gabiers, les mouettes et les pintails volent, et les molles prairies de mer ondulent de lame en lame, et sous les nids d’alcyons l’eau semble une nourrice, la vague semble une berceuse, pendant que le soleil couvre d’une éclatante épaisseur de lumière ces formidables hypocrisies du gouffre.

Les apparences marines sont fugaces à tel point que, pour qui l’observe longtemps, l’aspect de la mer devient purement métaphysique ; cette brutalité dégénère en abstraction. C’est une quantité qui se décompose et se recompose. Cette quantité est dilatable ; l’infini y tient. Le calcul est, comme la mer, un ondoiement sans arrêt possible. La vague est vaine comme le chiffre. Elle a besoin, elle aussi, d’un coefficient inerte. Elle vaut par l’écueil comme le chiffre par le zéro. Les flots ont comme les chiffres une transparence qui laisse apercevoir sous eux des profondeurs. Ils se dérobent, s’effacent, se reconstruisent, n’existent point par eux-mêmes, attendent qu’on se serve d’eux, se multiplient à perte de vue dans l’o