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LE MANUSCRIT DES MISÉRABLES.

CORRECTION DES ÉPREUVES.

La description du manuscrit se complète tout naturellement par la correspondance échangée entre Victor Hugo et Lacroix, au sujet de la correction typographique. On trouvera plus loin, dans l’Historique, tout ce qui se rattache à la publication même du roman. Pour les Misérables, comme pour les Contemplations, comme pour la Légende des Siècles, Victor Hugo corrigeait à Guernesey les épreuves envoyées de Bruxelles ; il eut souvent de petites querelles avec les correcteurs trop scrupuleux qui, en modifiant sa ponctuation, dénaturaient quelquefois le sens d’une phrase. Les observations de l’éditeur même agaçaient bien un peu le poète, qui, par une ligne nette et précise, quoique courtoise, attestait que, jusque dans les plus petits détails, il voulait rester maître absolu de son œuvre.

La preuve en est manifeste. Lacroix n’avait-il pas insinué — oh ! fort timidement — qu’il pourrait à l’avenir affranchir Victor Hugo du travail des corrections, ce qui évidemment faciliterait et activerait la tâche de l’imprimerie, mais au détriment de la fidélité du texte ; Victor Hugo répondit le 31 mai 1862 :


jamais on n’a imprimé ni on n’imprimera la 1re  édition d’un de mes livres sans que je revoie les épreuves.


Ces lignes montrent quelle importance Victor Hugo attachait aux détails typographiques ; il se donnait la peine de mentionner la page, la ligne contenant une faute, de recopier cette ligne qu’il corrigeait en regard ; on s’en rendra compte d’ailleurs, en déchiffrant, aux Illustrations (page 411), le fac-similé d’une page de corrections ; nous donnerons ici les remarques les plus amusantes, les observations les plus typiques relevées dans la correspondance ; nous suivrons autant que possible l’ordre du roman, en indiquant le chapitre et le livre auxquels la correction et la lettre se rapportent.


9 janvier [1862].

Il est minuit, mon cher monsieur Lacroix ; craignant de jeter à cette heure où la poste est fermée un si gros paquet à la boîte, je prends le parti de vous envoyer sur ce papier les corrections des quatre premières feuilles. Malgré des fautes graves et que je vous recommande, je donne le bon à tirer des feuilles 1 et 2, je redemande une deuxième épreuve des feuilles 3 et 4. Il est particulièrement important de mettre D. — partout au lieu de D…[1] ; ne jamais mettre de points suspensifs où je n’en mets pas. Du reste ce mode de transcription me prendrait trop de temps et j’y renoncerai. Les épreuves, si vous me les envoyez de Bruxelles, vous coûteront bien cher. Si vous me les envoyiez de Paris, en prenant l’édition Claye pour étalon, grâce au traité du 1er  janvier, elles ne coûteraient que deux sous la feuille corrigée. Autrement, elles vous reviendront à plus d’un franc. Je vous engage à peser cela. L’envoi fait de Paris serait sans inconvénient.

  1. Livre premier, chapitre I.