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LES MISÉRABLES. — JEAN VALJEAN.

Jean Valjean était fatigué. Depuis plusieurs jours il ne mangeait ni ne dormait. Il se laissa tomber sur un des fauteuils.

Basque revint, posa sur la cheminée une bougie allumée et se retira. Jean Valjean, la tête ployée et le menton sur la poitrine, n’aperçut ni Basque, ni la bougie.

Tout à coup, il se dressa comme en sursaut. Cosette était derrière lui. Il ne l’avait pas vue entrer, mais il avait senti qu’elle entrait.

Il se retourna. Il la contempla. Elle était adorablement belle. Mais ce qu’il regardait de ce profond regard, ce n’était pas la beauté, c’était l’âme.

— Ah bien, s’écria Cosette, voilà une idée ! père, je savais que vous étiez singulier, mais jamais je ne me serais attendue à celle-là. Marius me dit que c’est vous qui voulez que je vous reçoive ici.

— Oui, c’est moi.

— Je m’attendais à la réponse. Tenez-vous bien. Je vous préviens que je vais vous faire une scène. Commençons par le commencement. Père, embrassez-moi.

Et elle tendit sa joue.

Jean Valjean demeura immobile.

— Vous ne bougez pas. Je le constate. Attitude de coupable. Mais c’est égal, je vous pardonne. Jésus-Christ a dit : Tendez l’autre joue. La voici.

Et elle tendit l’autre joue.

Jean Valjean ne remua pas. Il semblait qu’il eût les pieds cloués dans le pavé.

— Ceci devient sérieux, dit Cosette. Qu’est-ce que je vous ai fait ? Je me déclare brouillée. Vous me devez mon raccommodement. Vous dînez avec nous.

— J’ai dîné.

— Ce n’est pas vrai. Je vous ferai gronder par monsieur Gillenormand. Les grands-pères sont faits pour tancer les pères. Allons. Montez avec moi dans le salon. Tout de suite.

— Impossible.

Cosette ici perdit un peu de terrain. Elle cessa d’ordonner et passa aux questions.

— Mais pourquoi ? Et vous choisissez pour me voir la chambre la plus laide de la maison. C’est horrible ici.

— Tu sais…

Jean Valjean se reprit.

— Vous savez, madame, je suis particulier, j’ai mes lubies.

Cosette frappa ses petites mains l’une contre l’autre.