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LES DEUX VIEILLARDS…

effet, et le père ne l’était pas. Elle avait donc réservé là-dessus sa décision. Il est probable que si le mariage eût été pauvre, elle l’eût laissé pauvre. Tant pis pour monsieur mon neveu ! Il épouse une gueuse, qu’il soit gueux. Mais le demi-million de Cosette plut à la tante et changea sa situation intérieure à l’endroit de cette paire d’amoureux. On doit de la considération à six cent mille francs, et il était évident qu’elle ne pouvait faire autrement que de laisser sa fortune à ces jeunes gens, puisqu’ils n’en avaient plus besoin.

Il fut arrangé que le couple habiterait chez le grand-père. M. Gillenormand voulut absolument leur donner sa chambre, la plus belle de la maison.

Cela me rajeunira, déclarait-il. C’est un ancien projet. J’avais toujours eu l’idée de faire la noce dans ma chambre. Il meubla cette chambre d’un tas de vieux bibelots galants. Il la fît plafonner et tendre d’une étoffe extraordinaire qu’il avait en pièce et qu’il croyait d’Utrecht, fond satiné bouton-d’or avec fleurs de velours oreilles-d’ours. — C’est de cette étoffe-là, disait-il, qu’était drapé le lit de la duchesse d’Anville à La Roche-Guyon. — Il mit sur la cheminée une figurine de Saxe portant un manchon sur son ventre nu.

La bibliothèque de M. Gillenormand devint le cabinet d’avocat dont avait besoin Marius, un cabinet, on s’en souvient, étant exigé par le conseil de l’ordre.