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RELIQUAT
des
MISÉRABLES.




Ce Reliquat n’a pas de lien direct avec le roman proprement dit ; c’est plutôt, pour la majeure partie, une étude sur la situation politique en 1830-1831, étude qui devrait ouvrir la quatrième partie : Quelques pages d’histoire.

En révisant son œuvre, Victor Hugo a donné une grande extension au portrait de Louis-Philippe, de quelques lignes il a fait un chapitre ; il s’est donc résigné, pour ne pas trop ralentir l’action, à sacrifier une grande partie de son développement historique.

D’autres considérations ont sans doute motivé ce travail d’amputation.

En 1848, quand Victor Hugo écrivait le livre I de la quatrième partie, l’évolution de son esprit, au point de vue politique, n’avait pas encore atteint son apogée ; s’il n’admettait plus le pouvoir absolu, autoritaire, de la monarchie ou de l’empire, il préconisait encore la monarchie pourvu qu’elle fût renouvelée, rajeunie, accessible au progrès, et cela tout en glorifiant la démocratie ; il était encore, comme Marius lui-même, « nuance gris de souris rassurée ».

Cette profession de foi un peu éclectique qui, néanmoins, accusait des tendances plutôt hostiles au principe électif devait, nécessairement, vers 1862, paraître rétrograde à Victor Hugo. Elle porte sa date ; c’est pourquoi Victor Hugo, après avoir essayé de la modifier dans le sens de ses idées nouvelles et définitives, l’écarta à l’époque où il publiait les Misérables et où il avait, depuis treize ans, choisi définitivement sa voie.

En 1848, il l’avoue, son parti n’était pas pris sur la forme sociale définitive ; or c’est à cette époque qu’il écrivait les pages qu’on va lire ; mais après juin 1849, il le déclare dans Actes et Paroles, la clarté se fit dans son esprit ; il devint républicain ; avait-il un grand effort à faire ? La façon dont il juge, dans la deuxième partie de ce Reliquat, le parti républicain nous ferait penser qu’il penchait déjà vers «ce groupe extraordinaire». Révisant son œuvre en exil, il rectifia le commencement de sa quatrième partie selon les idées qu’avait développées en lui 1849, idées qu’il défendit jusqu’à sa mort.

Victor Hugo se serait sans doute servi des fragments suivants pour un livre, resté à l’état de projet et annoncé dans la préface d’Actes et Paroles[1] sous ce titre : « Histoire des révolutions intérieures d’une conscience honnête ».

Dans la même préface, il dit très nettement qu’il a été tout ce qu’a été le siècle : « illogique et probe, légitimiste et voltairien, chrétien littéraire, bonapartiste libéral, socialiste à tâtons dans la royauté… » mais il a raison de le déclarer hautement : il a été de bonne foi toujours et « dans tout ce qu’il a écrit, jamais on ne trouvera une ligne contre la liberté ».

  1. Le Droit et la Loi.