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été publiés en 1803. Lantenac est évidemment Puisaye, et, en effet, dans un ouvrage intitulé : Lettres sur l’origine de la chouannerie et sur les chouans du Bas-Maine, dédiées au Roi, par J. Duchemin-Descepeaux, publié en 1825, et que Victor Hugo a soigneusement étudié, nous trouvons un portrait de Puisaye, homme entreprenant, ayant l’esprit d’organisation, faisant reconnaître son autorité par des bandes de paysans, soulevant les campagnes, armant les paysans, formant des compagnies, leur nommant des chefs. C’est bien le Lantenac de Victor Hugo.

Dans les Mémoires de Puisaye, nous voyons (p. 615, t. II) le lieutenant général Joseph de Puisaye s’emparant d’un canot de onze pieds de quille, aménageant une voile avec des draps de lit, convertissant en mât une longue perche, s’embarquant, par une mer houleuse, dans le canot faisant eau de toutes parts. Le signet marquant cette page est éloquent : Vieux canot utilisé. Important à lire. Cette fuite historique du comte de Puisaye par une mer agitée a inspiré à Victor Hugo la fuite du marquis de Lantenac. Mais celle-ci est rendue plus tragique par la présence du pilote Halmalo, le propre frère de celui que Lantenac vient de faire fusiller.

Lantenac donne comme instructions à Halmalo d’aller trouver Cœur-de-Roi, Mousqueton, Jean Chouan, Miélette, Bénédicité, Treton, Sans-Regret, Bourdoiseau, chefs et soldats vendéens empruntés à l’histoire, puis il poursuit sa route sur la dune et rencontre le mendiant Tellmarch.

Nous trouvons dans les Mémoires de Puisaye un signet à la page 419, tome II, sur lequel Victor Hugo a écrit : Tête mise à prix, le mendiant ; et de Puisaye raconte :

J’aperçus un mendiant qui venoit à nous ; la figure de cet homme s’est profondément gravée dans mon souvenir. Il étoit couvert de haillons, et portoit sur son épaule un mauvais sac qui, comme il étoit percé en plusieurs endroits, laissoit entrevoir quelques morceaux de pain qu’il avoit reçus de la charité des habitants. Il m’avoit reconnu de loin : « Où allez-vous, me dit-il, ainsi, Monsieur, sans être mieux accompagné ? J’arrive de la ville ; votre tête y a été mise à prix. On promet soixante mille francs à celui qui pourra vous faire prendre. Ce pays n’est pas sûr ; on sait que les chouans n’y sont pas ; les espions et les patrouilles vont se répandre sur toute la campagne. »

Cela fut dit avec un accent de frayeur et de sensibilité qui commandoit ma confiance.

« Je suis fatigué, lui répondis-je, il me seroit impossible d’aller plus loin ; et je vais me reposer à cette ferme. »

« M’est-il permis de vous donner un conseil. Monsieur ? N’en faites rien : le fermier est un homme riche. Si les bleus viennent ici, ce sera chez lui qu’ils iront. Venez dans ma cabanne (sic) ; on sait que je suis pauvre ; je n’ai rien qui puisse les tenter. J’irai chercher à la ferme un lit et à souper pour vous ; je veillerai toute la nuit, et vous serez averti à la première alerte. »

De tels sentiments ne m’étonnoient pas ; ce bon peuple m’y avoit accoutumé ! J’acceptai la proposition sans hésiter, et nous passâmes, dans cette misérable hutte, une nuit plus douce que nous ne l’eussions fait dans un palais.

Qu’on se reporte au livre quatrième du roman de Victor Hugo : Tellmarch, on y trouvera la rencontre de Lantenac avec le mendiant, on y lira l’affiche mettant la tête de Lantenac à prix pour la somme de soixante mille livres. Mais la conversation entre le marquis et le mendiant est autrement émouvante.

La Révolution française.

Suivons le roman de Victor Hugo : la deuxième partie se passe à Paris, c’est d’abord le cabaret de la rue du Paon, avec Danton, Marat et Robespierre, puis c’est la Convention. Pour ces chapitres, Victor Hugo a consulté plusieurs