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et étaient divins ; quel que soit le plafond ou la voûte qu’un enfant a au-dessus de sa tête, ce qui se reflète dans ses yeux, c’est le ciel.

Quand René-Jean eut fini, il gratta avec la cuiller le fond de l’écuelle, soupira, et dit avec dignité : — J’ai mangé ma soupe.

Ceci tira Georgette de sa rêverie.

— Poupoupe, dit-elle.

Et voyant que René-Jean avait mangé et que Gros-Alain mangeait, elle prit l’écuelle de soupe qui était à côté d’elle, et mangea, non sans porter sa cuiller beaucoup plus souvent à son oreille qu’à sa bouche.

De temps en temps elle renonçait à la civilisation et mangeait avec ses doigts.

Gros-Alain, après avoir, comme son frère, gratté le fond de l’écuelle, était allé le rejoindre et courait derrière lui.


ii

Tout à coup on entendit au dehors, en bas, du côté de la forêt, un bruit de clairon, sorte de fanfare hautaine et sévère. À ce bruit de clairon répondit du haut de la tour un son de trompe.

Cette fois, c’était le clairon qui appelait et la trompe qui donnait la réplique.

Il y eut un deuxième coup de clairon que suivit un deuxième son de trompe.

Puis, de la lisière de la forêt, s’éleva une voix lointaine, mais précise, qui cria distinctement ceci :

— Brigands ! sommation. Si vous n’êtes pas rendus à discrétion au coucher du soleil, nous attaquons.

Une voix, qui ressemblait à un grondement, répondit, de la plate-forme de la tour :

— Attaquez.

La voix d’en bas reprit :

— Un coup de canon sera tiré, comme dernier avertissement, une demi-heure avant l’assaut.

Et la voix d’en haut répéta :

— Attaquez.

Ces voix n’arrivaient pas jusqu’aux enfants, mais le clairon et la trompe portaient plus haut et plus loin, et Georgette, au premier coup de clairon, dressa le cou et cessa de manger ; au son de trompe, elle posa sa cuiller dans son écuelle ; au deuxième coup de clairon, elle leva le petit index de sa main