Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome IV.djvu/618

Cette page a été validée par deux contributeurs.
604
NOTES DE L’ÉDITEUR.

Lors des journées de juin 1848, l’œuvre fut nécessairement interrompue. Victor Hugo a raconté dans Actes et Paroles la visite des insurgés dans son cabinet de la place Royale.


MARCHE DU TRAVAIL.


Ayant établi avec autant de précision que possible l’acte de naissance des Misérables, nous devons retracer la marche du travail.

Il y a la marche chronologique. Au point de vue de l’emploi du temps, le Journal, le Manuscrit et les Carnets nous fourniront des renseignements précieux ; ils nous apprendront quand Victor Hugo a entrepris ses Misérables, quand il les a interrompus et quand il les a repris, en un mot la durée du temps consacré à son œuvre.

Mais auparavant il nous semble qu’il convient de pénétrer plus profondément dans l’intimité de la pensée de l’auteur, d’en suivre les évolutions et les développements, de surprendre les transformations successives qui se sont opérées dans les scènes du roman, et de marquer les diverses étapes du travail intellectuel. Sur ce point, l’étude du manuscrit peut nous éclairer.

Pour les Misérables, nous établissons, d’après l’écriture, à la fin de chaque description du manuscrit, la statistique des chapitres écrits en 1845-1848 et celle des chapitres écrits de 1860 à 1862. Mais ces statistiques ainsi espacées, et avec de simples nomenclatures de chiffres, exigeraient de la part des lecteurs de nombreuses recherches. Nous avons cru, pour compléter cet historique, devoir présenter une sorte de tableau-commentaire contribuant à initier les lecteurs à la marche du travail.

L’opinion la plus accréditée est que Victor Hugo avait seulement amorcé son roman en 1848. Or nous avons essayé de démontrer qu’il l’avait conçu vers 1830, au moins dans ses parties principales, et qu’il avait commencé à l’écrire en 1845. Qu’on ne s’étonne pas de la longue durée de ce délai entre la conception et la mise à exécution. Plus tard, en 1868, quand Victor Hugo entreprendra l’Homme qui Rit, il utilisera les nombreuses notes prises entre 1825 et 1830 sur les vieilles lois anglaises et contenant en germe l’idée de son roman.

Il résulte en outre de l’examen du manuscrit que les quatre premières parties des Misérables, sauf plusieurs récits et des détails nouveaux qui seront signalés plus loin, appartiennent à la période de 1845-1848. Dans ces deux années et demie, non seulement Victor Hugo avait construit toute la charpente de son roman, mais il en avait écrit les quatre premières parties. Sans doute, de 1860 à 1862 il les remaniait, les complétait par de nouveaux chapitres, et donnait entièrement la cinquième et dernière partie, c’est-à-dire le dénouement. Mais le roman eût pu être publié dans sa version primitive ; il était solidement établi et les livres ajoutés postérieurement n’en altéraient pas le caractère.

On pourra s’en convaincre par l’étude rapide qui va suivre et permettra de se rendre compte du travail de Victor Hugo pendant ces deux périodes.

On se souvient que la première partie : Fantine, débutait par le Soir d’un jour de marche. Victor Hugo se servit en 1845 des notes prises en 1831 sur Mgr Miollis, cette figure à la fois invraisemblable et vraie qui lui inspira Mgr Bienvenu, et en fit le livre : Un Juste, qu’il plaça définitivement au commencement des Misérables. Plus tard, à la révision de 1860-1862, quatre chapitres furent ajoutés : Philosophie après boire, L’évêque en présence d’une lumière inconnue, Solitude de Mgr Bienvenu et Ce qu’il pensait.

Ici l’esprit est forcé de s’arrêter sur la visite au conventionnel. Ce chapitre,