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LES MISÉRABLES. — COSETTE.

— Et nous laisserons de côté la bière des pompes ?

— Précisément.

— Je suis aux ordres de la très révérende communauté.

— Les quatre mères chantres vous aideront.

— À clouer le cercueil ? Je n’ai pas besoin d’elles.

— Non. À le descendre.

— Où ?

— Dans le caveau.

— Quel caveau ?

— Sous l’autel.

Fauchelevent fit un soubresaut.

— Le caveau sous l’autel !

— Sous l’autel.

— Mais…

— Vous aurez une barre de fer.

— Oui, mais…

— Vous lèverez la pierre avec la barre au moyen de l’anneau.

— Mais…

— Il faut obéir aux morts. Être enterrée dans le caveau sous l’autel de la chapelle, ne point aller en sol profane, rester morte là où elle a prié vivante ; ç’a été le vœu suprême de la mère Crucifixion. Elle nous l’a demandé, c’est-à-dire commandé.

— Mais c’est défendu.

— Défendu par les hommes, ordonné par Dieu.

— Si cela venait à se savoir ?

— Nous avons confiance en vous.

— Oh, moi, je suis une pierre de votre mur.

— Le chapitre s’est assemblé. Les mères vocales, que je viens de consulter encore et qui sont en délibération, ont décidé que la mère Crucifixion serait, selon son vœu, enterrée dans son cercueil sous notre autel. Jugez, père Fauvent, s’il allait se faire des miracles ici ! quelle gloire en Dieu pour la communauté ! Les miracles sortent des tombeaux.

— Mais, révérende mère, si l’agent de la commission de salubrité…

— Saint-Benoît II, en matière de sépulture, a résisté à Constantin Pogonat.

— Pourtant le commissaire de police…

— Chonodemaire, un des sept rois allemands qui entrèrent dans les Gaules sous l’empire de Constance, a reconnu expressément le droit des religieux d’être inhumés en religion, c’est-à-dire sous l’autel.

— Mais l’inspecteur de la préfecture…