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L’OBÉDIENCE DE MARTIN VERGA.

Elles ne voient jamais le prêtre officiant, qui leur est toujours caché par une serge tendue à sept pieds de haut. Au sermon, quand le prédicateur est dans la chapelle, elles baissent leur voile sur leur visage. Elles doivent toujours parler bas, marcher les yeux à terre et la tête inclinée. Un seul homme peut entrer dans le couvent, l’archevêque diocésain. Il y en a bien un autre, qui est le jardinier ; mais c’est toujours un vieillard, et afin qu’il soit perpétuellement seul dans le jardin et que les religieuses soient averties de l’éviter, on lui attache une clochette au genou.

Elles sont soumises à la prieure d’une soumission absolue et passive. C’est la sujétion canonique dans toute son abnégation. Comme à la voix du Christ, ut voce Christi, au geste, au premier signe, ad nutum, ad primum signum, tout de suite, avec bonheur, avec persévérance, avec une certaine obéissance aveugle, prompte, hilariter, perseveranter et cœca quadam obedientia, comme la lime dans la main de l’ouvrier, quasi limam in manibus fabri, ne pouvant lire ni écrire quoi que ce soit sans permission expresse, legere vel scribere non addiscerit sine expressa superioris licentia.

À tour de rôle chacune d’elles fait ce qu’elles appellent la réparation. La réparation, c’est la prière pour tous les péchés, pour toutes les fautes, pour tous les désordres, pour toutes les violations, pour toutes les iniquités, pour tous les crimes qui se commettent sur la terre. Pendant douze heures consécutives, de quatre heures du soir à quatre heures du matin, ou de quatre heures du matin à quatre heures du soir, la sœur qui fait la réparation reste à genoux sur la pierre devant le Saint-Sacrement, les mains jointes, la corde au cou. Quand la fatigue devient insupportable, elle se prosterne à plat ventre, la face contre terre, les bras en croix ; c’est là tout son soulagement. Dans cette attitude, elle prie pour tous les coupables de l’univers. Ceci est grand jusqu’au sublime.

Comme cet acte s’accomplit devant un poteau au haut duquel brûle un cierge, on dit indistinctement faire la réparation ou être au poteau. Les religieuses préfèrent même, par humilité, cette dernière expression qui contient une idée de supplice et d’abaissement.

Faire la réparation est une fonction où toute l’âme s’absorbe. La sœur au poteau ne se retournerait pas pour le tonnerre tombant derrière elle.

En outre, il y a toujours une religieuse à genoux devant le Saint-Sacrement. Cette station dure une heure. Elles se relèvent comme des soldats en faction. C’est là l’Adoration Perpétuelle.

Les prieures et les mères portent presque toujours des noms empreints d’une gravité particulière, rappelant, non des saintes et des martyres, mais des moments de la vie de Jésus-Christ, comme la mère Nativité, la mère