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LIVRE SIXIÈME.

JAVERT





I

commecencement du repos.


M. Madeleine fit transporter la Fantine à cette infirmerie qu’il avait dans sa propre maison. Il la confia aux sœurs qui la mirent au lit. Une fièvre ardente était survenue. Elle passa une partie de la nuit à délirer et à parler haut. Cependant elle finit par s’endormir.

Le lendemain vers midi Fantine se réveilla, elle entendit une respiration tout près de son lit, elle écarta son rideau et vit M. Madeleine debout qui regardait quelque chose au-dessus de sa tête. Ce regard était plein de pitié et d’angoisse et suppliait. Elle en suivit la direction et vit qu’il s’adressait à un crucifix cloué au mur.

M. Madeleine était désormais transfiguré aux yeux de Fantine. Il lui paraissait enveloppé de lumière. Il était absorbé dans une sorte de prière. Elle le considéra longtemps sans oser l’interrompre. Enfin elle lui dit timidement :

— Que faites-vous donc là ?

M. Madeleine était à cette place depuis une heure. Il attendait que Fantine se réveillât. Il lui prit la main, lui tâta le pouls, et répondit :

— Comment êtes-vous ?

— Bien, j’ai dormi, dit-elle, je crois que je vais mieux. Ce ne sera rien.

Lui reprit, répondant à la question qu’elle lui avait adressée d’abord, comme s’il ne faisait que de l’entendre :

— Je priais le martyr qui est là-haut.

Et il ajouta dans sa pensée : — Pour la martyre qui est ici-bas.

M. Madeleine avait passé la nuit et la matinée à s’informer. Il savait tout maintenant. Il connaissait dans tous ses poignants détails l’histoire de Fantine. Il continua :

— Vous avez bien souffert, pauvre mère. Oh ! ne vous plaignez pas, vous avez à présent la dot des élus. C’est de cette façon que les hommes font