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NOTES DE L’ÉDITEUR.


I

HISTORIQUE DU LIVRE.


Les années 1828, 1829 et 1830 furent pour Victor Hugo singulièrement laborieuses et fécondes. Il y mena de front avec une incroyable activité ses travaux, ses ébauches et ses rêves.

En 1828, il venait de publier Cromwell, il remania et fit jouer en février Amy Robsart, et sans doute il cherchait déjà dans sa pensée d’autres sujets de drame ; mais l’œuvre immédiate qui l’occupait, c’était un volume de vers auquel il voulait donner plus d’unité qu’aux Odes et Ballades : au lendemain de la guerre de Grèce, il avait « tourné vers l’Orient son esprit et ses yeux » et promenait sa poésie aux pays du soleil. Entre temps, obsédé du sombre problème de la peine de mort, il se mettait à raconter la torture morale d’un misérable attendu par l’échafaud.

Mais, pour nous servir de ses expressions, en même temps qu’à la mosquée le poète pensait à la cathédrale, et l’on peut affirmer qu’en cette année 1828 la plus grande partie de son temps fut consacrée à la préparation de Notre-Dame de Paris.

Hugo portait déjà dans l’âme
Hugo pNotre-Dame
Et commençait à s’occuper
Hugo pD’y grimper.

a dit depuis Alfred de Musset en parlant de ce temps-là.

L’Orient, plus proche et plus lumineux, est assez facile à pénétrer ; mais le moyen âge, à cette époque, était une terre à peu près inconnue. Victor Hugo, avec la conscience littéraire qu’il apportera dans tous ses ouvrages, ne voulut placer sa création dans ce monde ignoré qu’après l’avoir exploré lui-même et dans tous les sens. Un jeune et savant professeur, M. Huguet, dans une étude nourrie de faits : Quelques sources de Notre-Dame de Paris, a montré, a prouvé, sur quel fond solide de réalité, on pourrait dire sur quelles piles de livres, Victor Hugo a bâti le sien. Histoires, chroniques, chartes, procès-verbaux, comptes, inventaires, il a tout feuilleté, tout compulsé. Il a reconstruit à son usage le Paris de Louis XI, il en a fouillé tous les palais et tous les bouges ; il sait dans quelle ruelle bruit tel cabaret, à quel angle de carrefour brûle la lampe de telle image de la Vierge. Tout est vrai ou vraisemblable de son action ; tout est exact de ses personnages, tout, l’habit qu’ils portent, la chanson qu’ils chantent, le proverbe qu’ils citent, la monnaie qu’ils tirent de leur poche. Leurs noms mêmes ne sont pas de fantaisie : Claude Frollo a existé, Jehan Frollo a existé, Michel Giborne, Isabeau la Thierrye ont existé ! Il a fatigué ses yeux jusqu’à les rendre malades pour acquérir cette science dont il va faire de la vie. Ce qui ne l’empêchera pas, au sortir de Sauval, de Dubreul et de Pierre Mathieu, d’écrire Sara la Baigneuse et le Feu du ciel.

Au mois de novembre 1828, Victor Hugo avait achevé les Orientales, achevé le Dernier Jour d’un condamné et préparé Notre-Dame de Paris. Il n’y avait plus qu’à leur trouver un éditeur. Un de ses amis,