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XXX


Le prêtre est revenu.

Il a des cheveux blancs, l’air très doux, une bonne et respectable figure ; c’est en effet un homme excellent et charitable. Ce matin, je l’ai vu vider sa bourse dans les mains des prisonniers. D’où vient que sa voix n’a rien qui émeuve et qui soit ému ? D’où vient qu’il ne m’a rien dit encore qui m’ait pris par l’intelligence ou par le cœur ?

Ce matin, j’étais égaré. J’ai à peine entendu ce qu’il m’a dit. Cependant ses paroles m’ont semblé inutiles, et je suis resté indifférent ; elles ont glissé comme cette pluie froide sur cette vitre glacée.

Cependant, quand il est rentré tout à l’heure près de moi, sa vue m’a fait du bien. C’est parmi tous ces hommes le seul qui soit encore homme pour moi, me suis-je dit. Et il m’a pris une ardente soif de bonnes et consolantes paroles.

Nous nous sommes assis, lui sur la chaise, moi sur le lit. Il m’a dit : — Mon fils… — Ce mot m’a ouvert le cœur. Il a continué :

— Mon fils, croyez-vous en Dieu ?

— Oui, mon père, lui ai-je répondu.

— Croyez-vous en la sainte église catholique, apostolique et romaine ?

— Volontiers, lui ai-je dit.

— Mon fils, a-t-il repris, vous avez l’air de douter.

Alors il s’est mis à parler. Il a parlé longtemps ; il a dit beaucoup de paroles ; puis, quand il a cru avoir fini, il s’est levé et m’a regardé pour la première fois depuis le commencement de son discours, en m’interrogeant :

— Eh bien ?

Je proteste que je l’avais écouté avec avidité d’abord, puis avec attention, puis avec dévouement.

Je me suis levé aussi.

— Monsieur, lui ai-je répondu, laissez-moi seul, je vous prie.

Il m’a demandé :

— Quand reviendrai-je ?

— Je vous le ferai savoir.

Alors il est sorti sans colère, mais en hochant la tête, comme se disant à lui-même :

— Un impie !

Non, si bas que je sois tombé, je ne suis pas un impie, et Dieu m’est