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tête hors de son trou, et regarde de tous côtés ; il fait un pas, puis deux, comme je ne sais plus quelle souris de La Fontaine, puis il se hasarde à sortir tout à fait de dessous son échafaudage, puis il saute dessus, le raccommode, le restaure, le fourbit, le caresse, le fait jouer, le fait reluire, se remet à suifer la vieille mécanique rouillée que l’oisiveté détraquait ; tout à coup il se retourne, saisit au hasard par les cheveux dans la première prison venue un de ces infortunés qui comptaient sur la vie, le tire à lui, le dépouille, l’attache, le boucle, et voilà les exécutions qui recommencent.

Tout cela est affreux, mais c’est de l’histoire.

Oui, il y a eu un sursis de six mois accordé à de malheureux captifs, dont on a gratuitement aggravé la peine de cette façon en les faisant reprendre à la vie ; puis, sans raison, sans nécessité, sans trop savoir pourquoi, pour le plaisir, on a un beau matin révoqué le sursis, et l’on a remis froidement toutes ces créatures humaines en coupe réglée. Eh ! mon Dieu ! je vous le demande, qu’est-ce que cela nous faisait à tous que ces hommes vécussent ? Est-ce qu’il n’y a pas en France assez d’air à respirer pour tout le monde ?

Pour qu’un jour un misérable commis de la chancellerie, à qui cela était égal, se soit levé de sa chaise en disant : – Allons ! personne ne songe plus à l’abolition de la peine de mort. Il est temps de se remettre à guillotiner ! – il faut qu’il se soit passé dans le cœur de cet homme-là quelque chose de bien monstrueux.

Du reste, disons-le, jamais les exécutions n’ont été accompagnées de circonstances plus atroces que depuis cette révocation du sursis de juillet, jamais l’anecdote de la Grève n’a été plus révoltante et n’a mieux prouvé l’exécration de la peine de mort. Ce redoublement d’horreur est le juste châtiment des hommes qui ont remis le code du sang en vigueur. Qu’ils soient punis par leur œuvre. C’est bien fait.

Il faut citer ici deux ou trois exemples de ce que certaines exécutions ont eu d’épouvantable et d’impie. Il faut donner mal aux nerfs aux femmes des procureurs du roi. Une femme, c’est quelquefois une conscience.

Dans le midi, vers la fin du mois de septembre dernier, nous