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BUG-JARGAL.

secrétaire ! aussi bien, tu as raison, car je ne t’en aurais pas moins fait mourir après. On ne saurait vivre avec un secret de Biassou ; et puis, mon cher, j’avais promis ta mort à monsieur le chapelain.

Il se tourna vers l’obi, qui venait d’entrer.

Bon per, votre escouade est-elle prête ?

Celui-ci fit un signe affirmatif.

— Avez-vous pris pour la composer des noirs du Morne-Rouge ? Ce sont les seuls de l’armée qui ne soient point encore forcés de s’occuper des apprêts du départ.

L’obi répondit oui par un second signe.

Biassou alors me montra du doigt le grand drapeau noir que j’avais déjà remarqué, et qui figurait dans un coin de la grotte.

— Voici qui doit avertir les tiens du moment où ils pourront donner ton épaulette à ton lieutenant. — Tu sens que dans cet instant-là je dois déjà être en marche. — À propos, tu viens de te promener, comment as-tu trouvé les environs ?

— J’y ai remarqué, répondis-je froidement, assez d’arbres pour y pendre toi et toute ta bande.

— Eh bien ! répliqua-t-il avec un ricanement forcé, il est un endroit que tu n’as sans doute pas vu, et avec lequel le bon per te fera faire connaissance. — Adieu, jeune capitaine, bonsoir à Léogri.

Il me salua avec ce rire qui me rappelait le bruit du serpent à sonnettes, fit un geste, me tourna le dos, et les nègres m’entraînèrent. L’obi voilé nous accompagnait, son chapelet à la main.