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qui vient d’être portée à vos consciences, va encore vous être confirmée par ce que l’aumônier des prisons de cette royale ville, notre honoré frère Athanase Munder, ici présent, va vous apprendre.

C’était en effet Athanase Munder qui accompagnait l’évêque. Il s’inclina devant son pasteur et devant le tribunal, puis, sur un signe du président, il s’exprima ainsi :

— Ce que je vais dire est la vérité. Me punisse le ciel si je profère ici une parole dans une intention autre que celle de bien faire ! — J’avais déjà, d’après ce que j’avais vu ce matin dans le cachot du fils du vice-roi, pensé en moi-même que ce jeune homme n’était point coupable, quoique vos seigneuries l’aient condamné sur ses aveux. Or, j’ai été appelé, il y a quelques heures, pour donner les derniers secours spirituels au malheureux montagnard qui a été si cruellement assassiné devant vous, et que vous aviez condamné, respectables seigneurs, comme étant Han d’Islande. Voici ce que m’a dit ce moribond : « Je ne suis point Han d’Islande ; j’ai été bien puni d’avoir pris ce nom. Celui qui m’a payé pour jouer ce rôle est le secrétaire intime de la grande chancellerie ; il se nomme Musdœmon, et il a machiné toute la révolte sous le nom de Hacket. Je crois qu’il est le seul coupable dans tout ceci. » Alors il m’a demandé ma bénédiction et recommandé de venir en toute hâte reporter ses dernières paroles au tribunal. Dieu est témoin de ce que je dis. Puissé-je sauver le sang de l’innocent, et ne point faire verser celui du coupable !

Il se tut, saluant de nouveau son évêque et les juges.

— Votre grâce voit, seigneur, dit l’évêque au président, que l’un de mes clients n’avait point saisi à tort tant de ressemblance entre ce Hacket et votre secrétaire intime.

— Turiaf Musdœmon ; demanda le président au nouvel accusé, qu’avez-vous à alléguer pour votre défense ?

Musdœmon leva sur son maître un regard qui l’effraya. Toute son assurance lui était revenue. Il répondit après un moment de silence :

— Rien, seigneur.

Le président reprit d’une voix altérée et faible :

— Vous vous avouez donc coupable du crime qui vous est imputé ? Vous vous avouez auteur d’une conspiration tramée à la fois contre l’état et contre un individu nommé Schumacker.

— Oui, seigneur, répondit Musdœmon.

L’évêque se leva.

— Seigneur président, pour qu’il ne reste aucun doute dans cette affaire, que votre grâce demande à l’accusé s’il a eu des complices.

— Des complices ! répéta Musdœmon.