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— Ah ! s’écria l’accusé Kennybol, ce que dit sa courtoisie est vrai, je reconnais la boucle ; c’est l’histoire de notre pauvre frère Guldon Stayper.

— Silence, dit le président, laissez répondre Ordener Guldenlew.

— Je ne cacherai pas, repartit Ordener, que je désirais voir Schumacker. Mais cette boucle ne signifie rien. On ne peut entrer avec des diamants dans le fort ; le matelot qui m’avait amené s’était plaint, dans la traversée, de sa misère ; je lui ai jeté cette boucle, que je ne pouvais garder sur moi.

— Pardon, votre courtoisie, interrompit le secrétaire intime, le règlement excepte de cette mesure le fils du vice-roi. Vous pouviez donc…

— Je ne voulais pas me nommer.

— Pourquoi ? demanda le président.

— C’est ce que je ne puis dire.

— Vos intelligences avec Schumacker et sa fille prouvent que le but de votre complot était de les délivrer.

Schumacker, qui, jusqu’alors, n’avait donné d’autre signe d’attention que de dédaigneux mouvements d’épaules, se leva :

— Me délivrer ! Le but de cette infernale trame était de me compromettre et de me perdre, comme il l’est encore. Croyez-vous qu’Ordener Guldenlew eût avoué sa participation au crime, s’il n’eût été pris parmi les révoltés ? Oh ! je vois qu’il a hérité de la haine de son père pour moi. Et quant aux intelligences qu’on lui suppose avec moi et ma fille, qu’il sache, cet exécré Guldenlew, que ma fille a hérité aussi de ma haine pour lui, pour la race des Guldenlew et des d’Ahlefeld !

Ordener soupira profondément, tandis qu’Éthel désavouait tout bas son père, et que celui-ci retombait sur son banc, palpitant encore de colère.

— Le tribunal jugera, dit le président.

Ordener, qui, aux paroles de Schumacker, avait baissé les yeux en silence, parut se réveiller :

— Oh ! nobles juges, écoutez. Vous allez descendre dans vos consciences ; n’oubliez pas qu’Ordener Guldenlew est coupable seul ; Schumacker est innocent. Ces autres infortunés ont été trompés par Hacket, qui était mon agent. J’ai fait tout le reste.

Kennybol l’interrompit :

— Sa courtoisie dit vrai, seigneurs juges ; car c’est elle qui s’est chargée de nous amener le fameux Han d’Islande, dont je souhaite que le nom ne me porte pas malheur. Je sais que c’est ce jeune seigneur qui a osé l’aller trouver dans la caverne de Walderhog, pour lui proposer d’être notre chef. Il m’a confié le secret de son entreprise au hameau de Surb, chez mon frère Braal. Et, pour le reste encore, le jeune seigneur dit vrai ; nous avons été abusés par ce Hacket maudit ; d’où il suit que nous ne méritons pas la mort.