Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome I.djvu/294

Cette page a été validée par deux contributeurs.

XLII


elvire.
xxxxQu’est devenu le pauvre Sanche ? Il n’a point paru dans la ville.
nuno.
xxxxSanche aura su se mettre à couvert.
Lope de Vega, Le meilleur alcade est le roi.



Le comte d’Ahlefeld, traînant une ample simarre de satin noir doublée d’hermine, la tête et les épaules cachées par une large perruque magistrale, et la poitrine chargée de plusieurs étoiles et décorations, parmi lesquelles on distinguait les colliers des ordres royaux de l’Éléphant et de Danebrog ; revêtu, en un mot, du costume complet de grand-chancelier de Danemark et de Norvège, se promenait d’un air soucieux dans l’appartement de la comtesse d’Ahlefeld, seule avec lui en ce moment.

— Allons, il est neuf heures, le tribunal va entrer en séance ; il ne faut pas le faire attendre, car il est nécessaire que l’arrêt soit rendu dans la nuit, afin qu’on l’exécute demain matin au plus tard. Le haut-syndic m’a assuré que le bourreau serait ici avant l’aube. — Elphège ! avez-vous ordonné qu’on apprêtât la barque qui doit me transporter à Munckholm ?

— Monseigneur, elle vous attend depuis une demi-heure au moins, répondit la comtesse en se soulevant sur son fauteuil.

— Et ma litière est-elle à la porte ?

— Oui, monseigneur.

— Allons !… — Vous dites donc, Elphège, ajouta le comte en se frappant le front, qu’il existe une intrigue amoureuse entre Ordener Guldenlew et la fille de Schumacker ?

— Très amoureuse, je vous jure ! répliqua la comtesse en souriant de colère et de dédain.

— Qui se fût imaginé cela ? — Pourtant, je vous assure que je m’en étais déjà douté.

— Et moi aussi, dit la comtesse. — C’est un tour que ce maudit Levin nous a joué.

— Vieux scélérat de mecklembourgeois ! murmura le chancelier ; va, je te recommanderai à Arensdorf. — Si je pouvais le faire disgracier ! — Eh ! mais, écoutez donc, Elphège, voici un trait de lumière.

— Quoi donc ?