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lion ; plus loin il ôtait à la montagne du Dofre-Field ses pics, pour lui attribuer des pieds, ou, lorsque les pêcheurs norvégiens s’attendaient à amarrer dans des criques, il poussait leur barque sur des briques. Pour ne pas fatiguer le lecteur, l’auteur passe sous silence tout ce que sa mémoire ulcérée lui rappelle d’outrages de ce genre :


Manet alto in pectore vulnus.


Il lui suffira de dire qu’il n’est pas d’image grotesque, de sens baroque, de pensée absurde, de figure incohérente, d’hiéroglyphe burlesque, que l’ignorance industrieusement stupide de ce prote logogriphique ne lui ait fait exprimer. Hélas ! quiconque a fait imprimer douze lignes dans sa vie, ne fût-ce qu’une lettre de mariage ou d’enterrement, sentira l’amertume profonde d’une pareille douleur !

C’est donc avec le soin le plus scrupuleux qu’ont été revues les épreuves de cette nouvelle publication, et maintenant l’auteur ose croire, ainsi qu’un ou deux amis intimes, que ce roman restauré est digne de figurer parmi ces splendides écrits en présence desquels les onze étoiles se prosternent, comme devant la lune et le soleil[1].

Si messieurs les journalistes l’accusent de n’avoir pas fait de corrections, il prendra la liberté de leur envoyer les épreuves, noircies par un minutieux labeur, de ce livre régénéré ; car on prétend qu’il y a parmi ces messieurs plus d’un Thomas l’incrédule.

Du reste, le lecteur bénévole pourra remarquer qu’on a rectifié plusieurs dates, ajouté quelques notes historiques, surtout enrichi un ou deux chapitres d’épigraphes nouvelles ; en un mot, il trouvera à chaque page des changements dont l’importance extrême a été mesurée sur celle même de l’ouvrage.

Un impertinent conseiller désirait qu’il mît au bas des feuillets la traduction de toutes les phrases latines que le docte Spiagudry sème dans cet ouvrage, pour l’intelligence — ajoutait ce quidam — de ceux de messieurs les maçons, chaudronniers ou perruquiers qui

  1. Alcoran.