— Oui… Dieu connaît la vérité. Nous avons trouvé un ami, noble dame. Un seul !
— Un seul ! dit précipitamment la grande femme. Nommez-le-moi, de grâce ; vous ne savez pas combien il est important… C’est pour le salut de votre père. Quel est cet ami ?
— Je l’ignore, dit Éthel.
L’inconnue pâlit.
— Est-ce parce que je veux vous servir que vous vous jouez de moi ? Songez qu’il s’agit des jours de votre père. Quel est, dites, quel est l’ami dont vous me parliez ?
— Le ciel sait, noble dame, que je ne connais de lui que son nom, qui est Ordener.
Éthel dit ces mots avec cette peine que l’on éprouve à prononcer devant un indifférent le nom sacré qui réveille en nous tout ce qui aime.
— Ordener ! Ordener ! répéta l’inconnue avec une émotion étrange, tandis que ses mains froissaient vivement la blanche broderie de son voile. — Et quel est le nom de son père ? demanda-t-elle d’une voix troublée.
— Je ne sais, répondit la jeune fille. Qu’importent sa famille et son père ! Cet Ordener, noble dame, est le plus généreux des hommes.
Hélas ! l’accent qui accompagnait cette parole avait livré tout le secret du cœur d’Éthel à la pénétration de l’étrangère.
L’étrangère prit un air calme et composé, et fit cette demande sans quitter la jeune fille du regard :
— Avez-vous entendu parler du prochain mariage du fils du vice-roi avec la fille du grand-chancelier d’Ahlefeld ?
Il fallut recommencer cette question, pour ramener l’esprit d’Éthel à des idées qui ne semblaient point l’intéresser.
— Je crois que oui, fut toute sa réponse.
Sa tranquillité, son air indifférent, parurent surprendre l’inconnue.
— Eh bien ! que pensez-vous de ce mariage ?
Il lui fut impossible d’apercevoir la moindre altération dans les grands yeux d’Éthel tandis qu’elle répondait :
— En vérité, rien. Puisse leur union être heureuse !
— Les comtes Guldenlew et d’Ahlefeld, pères des deux fiancés, sont deux grands ennemis de votre père.
— Puisse, répéta doucement Éthel, l’union de leurs enfants être heureuse !
— Il me vient une idée, poursuivit l’astucieuse inconnue. Si les jours de votre père sont menacés, vous pourriez, à l’occasion de ce grand mariage, faire obtenir sa grâce par le fils du comte vice-roi.