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Ces paroles étaient prononcées du même ton ironique. L’étranger, pour dissiper l’embarras qu’elles lui causaient, s’empressa de tirer de dessous son manteau une grosse bourse qu’il jeta aux pieds du monstre.

— Voici les honoraires de votre commandement.

Le petit homme repoussa le sac du pied.

— Je n’en veux pas. Crois-tu donc que si j’avais envie de ton or ou de ton sang, j’attendrais ta permission pour me satisfaire ?

L’étranger fit un geste de surprise et presque d’effroi.

— C’était un présent dont les mineurs royaux m’avaient chargé pour vous.

— Je n’en veux pas, te dis-je. L’or ne me sert à rien. Les hommes vendent bien leur âme, mais ils ne vendent pas leur vie. On est forcé de la prendre.

— J’annoncerai donc aux chefs des mineurs que le redoutable Han d’Islande se borne à accepter leur commandement ?

— Je ne l’accepte pas.

Ces mots, prononcés d’une voix brève, parurent frapper très désagréablement le prétendu envoyé des mineurs révoltés.

— Comment ! dit-il,

— Non ! répéta l’autre.

— Vous refusez de prendre part à une expédition qui vous présente tant d’avantages !

— Je puis bien piller les fermes, dévaster les hameaux, massacrer les paysans ou les soldats, tout seul.

— Mais songez qu’en acceptant l’offre des mineurs l’impunité vous est assurée.

— Est-ce encore au nom des mineurs que tu me promets l’impunité ? demanda l’autre en riant.

— Je ne vous dissimulerai pas, répondit l’étranger d’un air mystérieux, que c’est au nom d’un puissant personnage qui s’intéresse à l’insurrection.

— Et ce puissant personnage, lui-même, est-il sûr de n’être pas pendu ?

— Si vous le connaissiez, vous ne secoueriez pas ainsi la tête.

— Ah ! — Eh bien ! quel est-il donc ?

— C’est ce que je ne puis vous dire.

Le petit homme s’avança, et frappa sur l’épaule de l’étranger, toujours avec le même rire sardonique.

— Veux-tu que je te le dise, moi ?

Un mouvement échappa à l’homme au manteau ; c’était à la fois de l’épouvante et de l’orgueil blessé. Il ne s’attendait pas plus à la brusque interpellation du monstre qu’à sa sauvage familiarité.

— Je me joue de toi, continua ce dernier. Tu ne sais pas que je sais tout.