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XXIV

Le comte don Sancho Diaz, seigneur de Saldana, répandait d’amères larmes dans sa prison.
Plein de désespoir, il exhalait ses plaintes dans la solitude contre le roi Alphonse.
« Ô tristes moments, où mes cheveux blancs me rappellent combien d’années j’ai déjà passées dans cette prison horrible ! »
Romances espagnoles.


Je faisais d’inutiles efforts pour exalter son âme, et, dans cette terre refroidie, les fleurs de ma pensée ne pouvaient prospérer.
Schiller, Don Carlos.


— Qui es-tu ?
— Ne le vois-tu pas ? Un homme que la fortune a précipité du haut de la roue, et qui est tombé à tes pieds… Mais toi, soldat chargé de veiller sur moi, qui es-tu ?… où as-tu pris ces traits ?…
Lope de Vega, la Fuerza lastimosa.


Le courroux de l’ennemi me rend ferme et inébranlable ; mais les reproches que m’adresse un ami m’inspirent de la crainte.
Abou’tthayyb, poëte arabe



Le soleil se couchait ; ses rayons horizontaux dessinaient sur la simarre de laine de Schumacker et sur la robe de crêpe d’Éthel l’ombre noire des barreaux de leur fenêtre. Tous deux étaient assis près de la haute croisée en ogive, le vieillard sur un grand fauteuil gothique, la jeune fille sur un tabouret, à ses pieds. Le prisonnier paraissait rêver dans sa position favorite et mélancolique. Son front chauve et ridé était appuyé sur ses mains et l’on ne voyait de son visage que sa barbe blanche qui pendait en désordre sur sa poitrine.

— Mon père, dit Éthel qui cherchait tous les moyens de le distraire, mon seigneur et père, j’ai fait cette nuit un songe d’heureux avenir… — Voyez, levez les yeux, mon noble père, regardez ce beau ciel.

— Je ne vois le ciel, répondit le vieillard, qu’à travers les barreaux de