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édits s’éleva tout à coup, religieusement écoutée par la petite foule des habitants d’Oëlmœ.

— « Au nom de sa majesté, et par ordre de son excellence le général Levin de Knud, gouverneur, le haut-syndic du Drontheimhus fait savoir à tous les habitants des villes, bourgs et bourgades de la province, que : — 1o la tête de Han, natif de Klipstadur, en Islande, assassin et incendiaire, est mise au prix de mille écus royaux. »

Un murmure vague éclata dans l’auditoire. Le crieur poursuivit :

— « 2o La tête de Benignus Spiagudry, nécroman et sacrilège, ex-gardien du Spladgest de Drontheim, est mise au prix de quatre écus royaux ;

« 3o Cet édit sera publié dans toute la province, par les syndics des villes, bourgs et bourgades, qui en faciliteront l’exécution. »

Le syndic prit l’édit des mains du crieur, et ajouta d’une voix lugubre et solennelle :

— La vie de ces hommes est offerte à qui voudra la prendre.

Le lecteur se persuadera aisément que cette lecture ne fut pas écoutée sans quelque émotion par notre pauvre et malencontreux Spiagudry. Nul doute même que les signes extraordinaires d’effroi qui lui échappèrent en ce moment n’eussent appelé l’attention du groupe qui l’environnait, si elle n’eût été entièrement absorbée par la première partie de l’édit syndical.

— La tête de Han à prix ! s’écria un vieux pêcheur qui était venu traînant ses filets humides. Ils feraient tout aussi bien, par saint Usuph, de mettre à prix également la tête de Belzébuth.

— Pour garder la proportion entre Han et Belzébuth, il faudrait, dit un chasseur, reconnaissable à sa veste de peau de chamois, qu’ils offrissent seulement quinze cents écus du chef cornu du dernier démon.

— Gloire soit à la sainte mère de Dieu ! ajouta en roulant son fuseau une vieille dont le front chauve branlait. Je voudrais voir la tête de ce Han, afin de m’assurer que ses yeux sont deux charbons ardents, comme on le dit.

— Oui, sûrement, reprit une autre vieille, c’est seulement en la regardant qu’il a brûlé la cathédrale de Drontheim. Moi, je voudrais voir le monstre tout entier avec sa queue de serpent, son pied fourchu et ses grandes ailes de chauve-souris.

— Qui vous a fait ces contes, bonne mère ? interrompit le chasseur d’un air de fatuité. J’ai vu, moi, ce Han d’Islande dans les gorges de Medsyhath ; c’est un homme fait comme nous, seulement il a la hauteur d’un peuplier de quarante ans.

— Vraiment ? dit avec une expression singulière une voix dans la foule. Cette voix, qui fit tressaillir Spiagudry, était celle d’un petit homme dont